La notion de patrimoine culturel vivant : une contribution ethnomusicologique

INTRODUCTION

Les problématiques liées au patrimoine vivant, c’est-à-dire à l’héritage transmis oralement et souvent de génération en génération et dont l’expression constitue une forme d’appropriation et d’interprétation liée à la fois au passé, au présent et au futur,  représentent des avenues d’investigation fertiles en réflexions et débats, que ce soit de la part des intellectuels, des intervenants en matière de culture, des artistes et, parfois, du public en général.  Bien que le sujet ne soit pas nouveau, la conjoncture actuelle pousse plus précisément les chercheurs à penser des infrastructures et des outils afin de préserver et de valoriser ce patrimoine particulier; d’autant plus qu’il contribue bien souvent à la mise en évidence de la diversité des peuples tout en contribuant à la création de leur identité.  Dans cette optique, on s’accorde aujourd’hui à reconnaître le patrimoine comme un enjeu socio-économique et politique important.  Si l’on admet que le patrimoine ne peut pas ignorer les tendances de la mondialisation et de la globalisation, et qu’il est ainsi confronté à de nouveaux contextes et de nouvelles réalités, on ne peut pas contester qu’il soit également amené dans une certaine territorialité et qu’il crée la tradition à travers l’oralité, ce qui le rattache à des valeurs locales.

Encore trop souvent, les patrimoines musicaux n’occupent que peu d’influence dans l’entendement institutionnel du concept de patrimoine vivant.  Si l’on en juge par les chefs-d’œuvre[1] reconnus par l’UNESCO, le patrimoine culturel vivant reste la plupart du temps lié au folklore, aux contes, aux savoirs traditionnels et aux arts des sociétés peu développées ou encore du « vieux » continent.  Même la littérature de l’UNESCO présente très peu de cas relatifs au patrimoine musical.   À ce titre, il est difficile de concevoir, par exemple, que nos turluttes ou encore les chants de gorges des Inuit du Nord du Québec puissent un jour être reconnus en tant que chefs-d’œuvre par l’UNESCO.  Pourtant,  leur valeur n’est pas moindre que tout autre patrimoine officiel.  Il faut cependant aller au-delà de la perspective d’une telle récognition sur le plan international et se poser la question à savoir la place accordée ici même, soit sur les plans national, provincial et local, à notre patrimoine musical au sein des institutions, mais aussi dans l’âme de la population.

De la même manière, encore trop peu d’ethnomusicologues, étudiants et chercheurs, se sont attardés au rôle que tient notre patrimoine musical dans notre société et à la manière dont il est géré[2].  Les préoccupations des ethnomusicologues tendent pourtant vers des pratiques musicales vivantes et leur sociabilité. Toutefois, l’utilisation du terme « patrimoine » pour parler des traditions musicales nous paraît assez récente, peut-être en raison du fait que les processus patrimoniaux restent encore rares et nouveaux dans le domaine du patrimoine musical vivant.  L’étude du patrimoine culturel vivant et l’ethnomusicologie présentent, en effet, de nombreux intérêts et sujets d’études en commun, tels que la tradition, l’oralité, l’esthétique, le changement et l’évolution, la transmission, la construction de l’image sociale, l’identité, la valorisation, les politiques publiques, etc.  Nous verrons que la prise en compte du patrimoine culturel vivant peut et doit être abordée sous divers angles par les sciences sociales (anthropologie, sociologie, sciences politiques, mais également, et peut-être surtout, l’éducation, la philosophie, l’histoire, notamment).

Au cours des pages qui suivent, nous présenterons tout d’abord un bref portrait de la situation du patrimoine vivant sur le plan international.  Nous tenterons par la suite d’apporter des précisions sur la terminologie utilisée par les diverses institutions concernées, puis de commenter brièvement la problématique globale liée à la question de la sauvegarde du patrimoine culturel vivant  en lien avec la littérature ethnomusicologique et des sciences sociales de façon générale.   Dans les limites de ce travail, notre objectif vise à dresser un bilan de la position actuelle et du discours sur le patrimoine culturel vivant, particulièrement sur le patrimoine musical et la danse, et ce, autant au niveau des praticiens que des gestionnaires et responsables des politiques publiques.  Nous conclurons avec une réflexion sommaire sur le sujet.

CHAPITRE 1 : Le cadre international qui régit le patrimoine immatériel

Nous utiliserons, dans cette section seulement, le terme de patrimoine immatériel, emprunté à l’UNESCO et aujourd’hui reconnu et utilisé sur le plan international, ainsi que  « expressions du folklore » ou « expressions culturelles traditionnelles », communément utilisés lors des débats internationaux sur la propriété intellectuelle, afin de différencier le discours international du nôtre et de celui des organismes québécois.  L’UNESCO demeure la référence en ce qui concerne le développement de politiques concernant le patrimoine culturel sur le plan international.

1.1 Sauvegarder le patrimoine immatériel

Par sauvegarde, nous entendons autant l’acte de conservation, celui de préservation ainsi que la valorisation qui accompagne inévitablement ceux-ci.  À notre avis, ces actions passent avant tout par une meilleure connaissance et compréhension de la nature et du rôle de ce patrimoine.  La sauvegarde débute généralement par la reconnaissance d’une pratique que l’on souhaite perpétuer dans le futur.

Le concept de patrimoine immatériel fut évoqué pour la première fois lors de la Conférence de Mexico, en 1982, par les pays membres de l’UNESCO pour renvoyer à l’ensemble des productions spirituelles de l’homme.  Il fut alors proposé d’élargir la notion de patrimoine à l’ensemble de la tradition culturelle.

Ce n’est toutefois qu’en 1989, à Paris, que la Recommandation sur la sauvegarde de la culture traditionnelle et populaire fut officiellement adoptée. Celle-ci stipulait, entre autres, que: « la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel est dans l’intérêt général de l’humanité » et souligne son rôle essentiel comme «facteur de rapprochement, d’échange et de compréhension entre les êtres humains[3] ».  Elle prévoyait l’élaboration d’inventaires nationaux des biens à protéger et la création d’un Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel,  composé d’experts des futurs États parties. Elle proposait également d’établir deux listes : « Le patrimoine immatériel de l’humanité » et « Les expressions de ce patrimoine nécessitant une sauvegarde urgente », qui se retrouveront officiellement dans la Convention de 2003, au sujet de laquelle nous reviendrons. C’est lors de la Convention de 1989 qu’on a proposé la forme de financement actuelle des activités de sauvegarde, qui sont assurées par un fonds dont les ressources proviennent des contributions des États parties, des fonds accordés à cette fin par la Conférence générale de l’UNESCO, ainsi que des versements, dons ou legs faits par d’autres États, organisations ou personnes privées.  Toutefois, les pays membres de l’Unesco furent dès lors confrontés à de nombreux problèmes de définition et de terminologie et plusieurs expressions ressortent des recommandations émises par ceux-ci.  L’expression de « patrimoine immatériel » fut adoptée lors de la consultation internationale de Paris, en juin 1993, et il s’agit aujourd’hui d’une des composantes essentielles du patrimoine, avec le patrimoine naturel et le patrimoine matériel, pour les pays membres de l’UNESCO[4] ».  Aussi, en 2001, le « Rapport relatif à l’étude préliminaire sur l’opportunité de réglementer à l’échelon international par un nouvel instrument normatif la protection de la culture traditionnelle et populaire » modifia la Recommandation. Inspiré par l’approche appliquée au patrimoine naturel vu comme un système vivant et par le concept japonais des « trésors humains vivants »(Kirshenblatt-Gimblett, 2004 :55), le document reconnaissait la nécessité d’élargir la portée du patrimoine immatériel ainsi que ses mesures de sauvegarde.  Une attention nouvelle était portée sur les personnes à la base des expressions culturelles.  De plus, il était entendu que le nouvel instrument permettrait, en accord avec le mandat de l’UNESCO, d’aborder ce patrimoine à travers une approche culturelle d’une portée générale, sans se limiter à la protection de la propriété intellectuelle et aux droits économiques qui pourraient y être liés (Aikawa, 2004).

Depuis 2001, l’UNESCO procède tous les deux ans à la « Proclamation des chefs-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité ».  Aussi, le système de « Trésors humains vivants » vise à reconnaître le savoir ou savoir-faire lié au patrimoine culturel immatériel.  Toutefois, nous pouvons être tentés de critiquer cette façon de faire qui consiste à n’élire que quelques représentants, qui composent souvent une certaine « élite ».  Enfin, pour ce qui est de la sauvegarde des musiques traditionnelles, l’UNESCO a lancé la collection UNESCO de musique traditionnelle du monde.  Bien que ce système permette de conserver des exemples de styles musicaux et d’interprétations diverses, généralement enregistrées dans leur contexte original, nous savons que la sauvegarde d’un patrimoine culturel va bien au-delà de l’archivage ou de la fixation sur support matériel.

La Convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel a vu le jour en 2003 et  l’UNESCO y vise « les traditions et expressions orales, y compris la langue comme vecteur du patrimoine culturel immatériel, les arts du spectacle, les pratiques sociales, rituels et événements festifs, les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers et les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel[5] ». À travers cette Convention, l’UNESCO fournit un cadre global de protection.  On y évoque la propriété intellectuelle, mais l’UNESCO n’est pas compétente pour élaborer des normes juridiques dans ce domaine. La Convention a pour but la sauvegarde du patrimoine immatériel, le respect du patrimoine culturel immatériel des communautés, des groupes et des individus concernés, la sensibilisation aux niveaux local, national et international à l’importance du patrimoine culturel immatériel et de son appréciation mutuelle et la coopération et l’assistance internationale (UNESCO, 2003).  Elle est officiellement entrée en vigueur le 20 avril 2006 et cinquante-cinq États l’ont ratifiée jusqu’à aujourd’hui (20 juillet 2006).  Le Canada n’a pas encore pris position quant  à savoir s’il appuiera cette Convention.

1.2  Quelques autres acteurs dans la sauvegarde du patrimoine immatériel

Nous présentons ici quelques organismes qui oeuvrent dans le secteur du patrimoine immatériel sur le plan international, mais cette liste demeure loin d’être exhaustive.

1.2.1  Le Conseil International des Organisations de Festivals de Folklore et d’Arts Traditionnels (C.I.O.F.F.)

Le CIOFF  est composé de membres de soixante-dix pays, les Sections Nationales, issus d’associations nationales et régionales oeuvrant dans le domaine de la culture traditionnelle, des festivals de folklore et d’arts traditionnels ainsi que de spécialistes du patrimoine immatériel.  ONG en relation formelle de consultation avec l’UNESCO, il s’implique au niveau des politiques culturelles et il organise de nombreux projets culturels en plus de conférences internationales.  Sa mission est de promouvoir le patrimoine immatériel à travers diverses formes d’expressions artistiques, servir les objectifs de l’UNESCO et de soutenir les activités de ses membres, des ONGs et de toutes autres institutions qui oeuvrent dans le secteur du patrimoine culturel dans un but de servir la cause de la paix.

1.2.2  Le Conseil International des Musées (ICOM)

L’ICOM est l’organisation internationale des musées et des professionnels du secteur de la muséologie.  Sa mission consiste à préserver, assurer la continuité et à communiquer la valeur du patrimoine culturel et naturel mondial, actuel et futur, tangible et intangible.  Organisme non gouvernemental, l’ICOM a été créé en 1946 et entretient des relations formelles avec l’UNESCO.   Basé à Paris, il représente 21 000 membres présents dans 146 pays.

1.2.3 Le Smithsonian Center for Folklife and Cultural Heritage

Le Smithsonian Center for Folklife and Cultural Heritage est un institut de recherche qui encourage la compréhension et la continuité des cultures contemporaines aux États-Unis et à l’étranger. Le Centre est en charge du Smithsonian Folklife Festival et des Smithsonian Folkways Recordings, il produit des expositions, des films et des vidéos documentaires, des colloques et du matériel éducatif. Il mène également des recherches en ethnographie et en politiques culturelles et détient une collection archivistique documentaire.  De plus, le Centre collabore avec de nombreux organismes locaux, nationaux et internationaux.

1.3  Protéger le patrimoine culturel immatériel : l’aspect juridique

Qui dit culture traditionnelle, dit culture basée sur certains aspects immatériels où l’oralité occupe une place prépondérante. La transmission des connaissances, des savoirs et des savoirs-faire, qui servent souvent à la création artistique, repose sur l’aspect immatériel qu’est l’oralité.  Interviennent alors les notions de folklore et de patrimoine culturel immatériel.  Il y a donc des formes d’expressions artistiques qui font la richesse des populations du monde entier et enrichissent sa production artistique.  Le droit de préserver sa culture est un droit réel qui est énoncé dans la Déclaration des droits de l’Homme et dans deux textes de 1966 relatifs aux droits sociaux économiques et aux droits voisins.  Toutefois, la conjoncture actuelle pousse les juristes, ainsi que les intellectuels des secteurs artistiques et des sciences sociales, à aller au-delà de ces textes législatifs et à créer de nouveaux outils, ou encore à ajuster des outils existants, afin qu’ils soit adaptés aux nouvelles situations qui se présentent.  Par protection, l’UNESCO entend des « mesures visant à empêcher que certaines pratiques sociales et représentations subissent des préjudices ».

Un mouvement pour la protection  juridique des œuvres folkloriques et du patrimoine culturel immatériel est né au cours des années 1970.  Les revendications des populations autochtones et de certains peuples africains sont à la base de celui-ci.  On entend par œuvres folkloriques celles qui sont transmises de génération en génération et contribuent à façonner l’identité culturelle nationale de manière anonyme et collective (Colombet, 1990; 22).  Dans certains pays d’Afrique, notamment, les utilisations en vue d’une exploitation lucrative sont maintenant soumises à autorisation préalable de l’organisme d’État du droit d’auteur moyennant paiement d’une redevance.  Toutefois, dans les pays latins, on estime généralement que l’utilisation du folklore est libre et qu’une œuvre inspirée du folklore peut être protégée, à condition que son auteur puisse prouver l’originalité de l’œuvre par l’ajout d’éléments personnels à ce qui appartient au domaine public (idem).  C’est la position actuelle de la jurisprudence française.

La protection juridique du folklore et du patrimoine immatériel, une des priorités de longue date de l’UNESCO, est un sujet d’investigation toujours d’actualité.  L’UNESCO cherche à élaborer des instruments et des conventions internationales à cette fin.   Son travail s’effectue donc sous deux axes : la question de la préservation (les moyens de garder vivantes des pratiques traditionnelles et de poursuivre la transmission des savoirs et savoirs-faire), tel que nous l’avons vu au cours de la section précédente,  ainsi que l’aspect juridique, qui devient important dans la protection du folklore dans la mesure où il y a un aspect de création intellectuelle à maintenir.  Consciente dès le départ que les expressions du folklore recouvrent une réalité différente des œuvres d’art fixées sur support, l’organisation n’a pas hésité à s’investir dans la recherche et la mise en place de conventions afin que les aspects artistiques des traditions bénéficient eux aussi de la protection de la propriété intellectuelle.  Les populations autochtones, par exemple, revendiquent non seulement sur leurs arts, mais également sur leurs connaissances et savoirs relatifs à leur environnement.  On sort complètement de l’aspect esthétique, mais on reste ici dans l’immatériel.  Certains peuples qui sont sur un territoire depuis longtemps ont acquis un système de transmission des connaissances et ce système a atteint une grande qualité  et une valeur.  L’accumulation de connaissances empiriques et cette forme de sagesse peuvent fort probablement servir dans notre société moderne.  Les communautés souhaitent donc faire valoir leur droit à contrôler l’accès , l’exposition et l’usage de leurs savoirs traditionnels et de leurs expressions culturelles traditionnelles. Wendland (2004;102) propose au moins deux acceptions de cette protection, soit celle « positive » (qui a pour but d’acquérir les droits de propriété intellectuelle afin de commercialiser certaines expressions culturelles traditionnelles et/ou empêcher autrui de le faire) et celle « défensive » (dans le but d’empêcher qu’on obtienne des droits de propriété pour des expressions culturelles traditionnelles et des dérivés de celles-ci).  La « protection » de la propriété intellectuelle se distingue ainsi de la « sauvegarde » suivant les termes de la Convention de 2003.

C’est en collaborant avec l’OMPI[6], plus précisément le Comité intergouvernemental de la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques, aux savoirs traditionnels et au folklore qui se réunit deux fois par an depuis 2001, que l’UNESCO souhaite faire valoir une protection juridique valable et reconnue.  Les dispositions modèles de l’UNESCO/OMPI de 1982 ne couvrent pas la protection de la connaissance traditionnelle. Cela signifie qu’elles ne sont pas adaptées à la protection de la science et de la médecine traditionnelle, aux savoirs sur la culture, aux travaux manuels et d’autres métiers et commerces traditionnels. Tel qu’évoqué parmi ces dispositions[7], « l’exclusion du savoir traditionnel est due à la nature du processus technique de ses différentes composantes.  Les techniques liées à la médecine traditionnelle, aux procédés de préparation et d’utilisation des plantes médicinales, aux techniques du travail artisanal de tous les métiers traditionnels, ont des caractéristiques d’utilisation et des exigences de protection qui diffèrent des expressions artistiques traditionnelles, de par leur nature ».  Ces techniques d’utilisation du savoir traditionnel ne peuvent être protégées par le système du droit d’auteur que dans leur formulation orale, écrite, graphique ou enregistrée sous forme sonore ou audiovisuelle. Bien qu’elles puissent couvrir certaines formes d’expression verbales, musicales ou autres, les dispositions modèles n’incorporent pas de règles au sujet de l’identification, de la conservation et de la diffusion des expressions artistiques traditionnelles. Le but de la protection est de sauvegarder cette partie d’identité sociale contre la perte, la déformation, l’appropriation illicite et l’exploitation illégitime. La protection est principalement instituée contre les déformations qui sont nocives au contenu, et contre la dépréciation, la fausse déclaration ou la falsification de son origine.  L’UNESCO et l’OMPI  poursuivent leurs efforts en vue d’identifier des moyens appropriés pour protéger la connaissance traditionnelle et d’assurer plus de protection obligatoire sur le plan international.  « L’OMPI envisage, entre autres choses, de reconnaître l’application des droits de propriété intellectuelle, ou de type « propriété intellectuelle », aux expressions artistiques et aux systèmes de savoirs « traditionnels »  développés collectivement », en plus d’examiner « l’éventualité d’un contrôle de l’obtention et de l’exercice des droits de propriété intellectuelle conventionnels sur les créations et les innovations « puisées dans » ou « basées  sur » les connaissances traditionnelles et les expressions culturelles traditionnelles […] actuellement considérées par la propriété intellectuelle comme faisant partie du « domaine public »» (Wendlan, 2004).  Ainsi, les deux organismes continuent à développer l’aide technique, légale et financière pour soutenir l’organisation de projets pilotes concernant la protection des expressions du folklore.

En 1999, quatre consultations régionales sur la protection des expressions du patrimoine culturel immatériel ont été organisées en coopération avec l’OMPI, suite au Forum mondial UNESCO/OMPI sur la protection du folklore, qui avait eu lieu en Thaïlande en 1997.  Ces consultations régionales touchaient respectivement l’Afrique, la région Asie-Pacifique, les États arabes et l’Amérique latine et les Caraïbes.  Suite aux rapports des comités consultatifs, on a conclu que le droit de propriété intellectuelle ne convient pas à une protection appropriée des expressions du folklore et du savoir traditionnel.  De plus, dans la plupart des pays étudiés, le folklore et le savoir traditionnel ne bénéficient pas encore de protection juridique.   Toutefois, certains États démontrent un engagement particulier dans l’étude d’une protection d’ensemble de la propriété culturelle et intellectuelle autochtone, tels que l’Australie, la Nouvelle-Zélande et la Nouvelle-Guinée, par exemple.   La détermination des titulaires des droits, de l’étendue de la protection, des modalités de calcul des revenus économiques éventuels et des infractions et sanctions est laissée, en effet, à la législation nationale[8], celle-ci étant mieux placée pour considérer la diversité et la particularité des réalités locales et nationales.  Ceci explique la situation très variées des rapports nationaux qui ont été remis suite aux consultations.

Les motifs qui poussaient l’UNESCO et l’OMPI à recommander une protection sui generis des expressions artistiques de la culture traditionnelle et populaire sont nombreux.  Tout d’abord, ces expressions sont en continuelle transformation à l’intérieur des communautés d’origine, alors que des œuvres créées par des auteurs reconnus sont généralement achevées.  Les expressions du folklore n’ont habituellement pas d’auteur connu et elles appartiennent à toute une communauté qui les intègre dans sa vie sociale, tandis que les œuvres protégées par le droit d’auteur appartiennent à leur(s) créateur(s).  On protège généralement les œuvres afin d’inciter les artistes à créer de nouvelles œuvres, alors que l’on cherche à préserver des éléments de l’identité des communautés menacées de disparition en protégeant des expressions artistiques du folklore.  Le droit d’auteur offre une protection pour une durée limitée et les expression du folklore ont besoin d’une protection illimitée si l’on souhaite stratifier dans le tissu social les éléments de la culture populaire identifiant la spécificité d’un peuple. [9]

À travers la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (2003), l’UNESCO fournit un cadre global de protection.  La Convention évoque la propriété intellectuelle, mais l’UNESCO n’est pas compétent pour élaborer des normes juridiques dans ce domaine.  Dans cette convention, les pratiques et les savoirs traditionnels sont tous deux intégrés.

C’est toutefois sous l’égide de l’OMPI que l’aspect lié à la propriété intellectuelle sera par-dessus tout traité.  En 1996, le Traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes, qui procure, entre autres, une protection aux exécutants d’expressions du folklore au titre des droits voisins.  Le droit voisin protège contre la reproduction et la représentation sans consentement de la personne qui en détient les droits. Toutefois, la même problématique revient : cette personne qui bénéficie d’un droit moral sur son exécution ne peut pas s’opposer à la reproduction de l’expression elle-même par des tiers.   En 2000, l’OMPI a créé un comité intergouvernemental pour la protection des expressions du folklore par les règles de la propriété intellectuelle.  On y réfléchit à des solutions concernant la protection du folklore.  Trois possibilités ressortent.  La première est de conserver le système de la propriété intellectuelle tel qu’il existe.  La seconde est de l’adapter en faveur des détenteur du folklore par une sorte de « domaine public payant » où les détenteurs du folklore seraient rémunérés, mais sans qu’il n’y ait de permission à demander.  Enfin, la dernière option est de trouver un système sui generis, unique en son genre, pour les savoirs et savoirs-faire traditionnels.  On vise donc un travail qui tient compte du fait que les savoirs traditionnels, les expressions culturelles traditionnelles et les ressources génétiques connexes forment un tout indivisible dans les traditions et les coutumes, tout en s’efforçant de mettre au point des instruments juridiques qui tiennent compte d’un environnement juridique plus vaste et du contexte politique dans lequel s’inscrit chaque élément de ce patrimoine traditionnel et de protéger cet important patrimoine communautaire contre toute utilisation abusive ou appropriation illicite.   L’idéal serait évidemment de trouver un équilibre entre le monopole de la propriété intellectuelle et la liberté d’utilisation du domaine public, puisque le droit d’auteur est, avant tout, un instrument de promotion de la culture.

L’OMPI a retenu trois instruments juridiques pertinents qui pourraient être utilisés par les législateurs internationaux pour inspirer leur lois nationales.  Tout d’abord, il y a les dispositions types de l’UNESCO-OMPI pour la protection de l’expression du folklore contre leur expression illicite et les autres expressions dommageable, déjà évoqué précédemment.  Datant de 1982, elles ne prennent pas en compte toute l’évolution de la situation jusqu’à aujourd’hui.  Elle est un peu trop axée sur les dimensions esthétiques de la culture et elle n’empêche pas la reproduction de l’expression.  Le second instrument, c’est la loi N 20 du 26 juin 2000 de Panama, soit la Loi du régime spécial de propriété intellectuelle des droits collectifs des peuples autochtones, pour la protection et la défense de leur identité culturelle et de leurs connaissances traditionnelles.  Cette loi prévoit un enregistrement des droits et elle reconnaît des règles coutumières en matière de gestion du patrimoine immatériel.  Enfin, la loi type publiée par l’OMPI à l’attention des communautés du Pacifique-Sud en 2001 constitue le dernier outil.  Elle protégerait le droit de la culture traditionnelle sur les savoirs et connaissances traditionnelles des peuples.  La commercialisation de ces savoirs serait possible, mais sous deux conditions : d’abord, un consentement préalable en connaissance de cause de la communauté et, ensuite, la commune bénéficierait du partage des avantages (monétaires) de cette commercialisation.  Selon l’OMPI, on retrouve dans cette loi un véritable équilibre entre le système de la propriété intellectuelle et le système coutumier.  Cette loi crée un droit qui, jusque-là, était du ressort public.

Enfin, le patrimoine culturel vivant, et plus particulièrement le patrimoine musical, s’avère, à notre avis, géré de façon plus appropriée par des mesures de protection comprises au sens de préservation, de sauvegarde et de valorisation, plutôt que par une protection qui relèverait  strictement de la propriété intellectuelle – bien que celle-ci demeure tout à fait pertinente-, puisque ce n’est pas en empêchant la reproduction d’une expression culturelle, mais plutôt en suscitant la transmission de celle-ci et parfois même la diffusion de manière à acquérir, comme l’ont souligné Wendland (2004; 104) et plusieurs de nos informateurs, une meilleure compréhension et un plus grand respect pour la culture de la communauté d’origine.   Nous nous attarderons donc davantage à ces aspects dans les pages qui suivent.

CHAPITRE 2 – Concepts et problématique générale

2.1  De la difficulté à établir une terminologie unifiée

La notion de patrimoine, selon l’UNESCO, inclut à la fois des éléments matériels et des éléments immatériels.  Le champ du patrimoine matériel comprend le patrimoine immobilier, mobilier, archéologique, archivistique et documentaire.  Ce patrimoine renvoie à objets tangibles qui peuvent être conservés, restaurés et exposés aux publics.  Ces objets sont souvent acquis, conservés, protégés et diffusés par les musées et les sociétés d’État.  Par opposition au patrimoine matériel, le patrimoine immatériel, que nous aborderons ici en tant que patrimoine culturel vivant, représente des savoirs et des savoirs-faire qui caractérisent une collectivité.  Les patrimoines linguistique, musical et les contes en sont des exemples . Ces savoirs et savoir-faire font donc partie intégrante du patrimoine, soit de l’héritage culturel d’une société, et ils s’expriment généralement par l’intermédiaire d’objets concrets, tel qu’un instrument de musique, par exemple.  Ils peuvent également contribuer à la création d’objets, comme c’est le cas pour les pièces d’artisanat.  Ainsi, la limite entre ces deux types de patrimoine dit matériel et le patrimoine vivant, ou immatériel comme dirait l’UNESCO, n’est parfois pas aussi catégorique qu’elle puisse paraître.   Tel que l’exprime Ito (2002; 1), «la culture intangible produit des objets culturels tangibles qui servent à la culture intangible[10] ».

L’acte de « patrimonialisation » d’un objet matériel est généralement le résultat d’un processus oral et intangible reconnu par une communauté ou encore son autorité, tel que l’explique Munjeri (2004;14) : « Les objets, les collections, les bâtiments, etc. sont reconnus comme des éléments du patrimoine lorsqu’ils expriment la valeur de la société; le matériel ne peut être compris et interprété qu’à travers l’immatériel. »   Par ailleurs, un patrimoine vivant  est une pratique culturelle qui vit essentiellement à travers une oralité et ce patrimoine naît, se transmet ou se perpétue souvent grâce à des objets matériels. Dans ce sens, la « patrimonialisation » de celui-ci impliquera souvent sa « matérialisation », sa fixation sur un support matériel.  Peu importe le type de patrimoine, une grande part d’immatérialité lui assure son statut.     Nous nous intéresserons ici à un type particulier de patrimoine culturel vivant, soit les pratiques culturelles issues d’une tradition et pour lesquelles l’être humain, qui en est le centre, démontre une certaine créativité ainsi qu’un attachement émotionnel dus à l’expérience qu’il en a faite.

C’est tout d’abord la mise en valeur de la culture traditionnelle, souvent dénommée « folklife » par les anglo-saxons, qui a mené au développement d’une nouvelle approche du patrimoine.  Longtemps confondu par les ethnologues et spécialistes des sciences humaines et sociales avec le folklore, le patrimoine vivant se veut davantage un patrimoine en action et en constantes évolution et mutation.  C’est la valeur patrimoniale des objets, des us et coutumes, des traditions, mais aussi des savoirs et du savoir-faire qui les entourent que nous souhaitons reconnaître.  Ce patrimoine est transmis et recréé de génération en génération dans divers contextes et milieux et il procure un sentiment d’identité et de continuité.

Au Québec, un débat actuel sévit quant à la terminologie utilisée.  Celui-ci n’est pas exclusif à notre société, mais bien universel.  Tel que mentionné antérieurement, le terme actuellement retenu à l’Unesco est celui de « patrimoine immatériel ».  Ce concept de « patrimoine immatériel » se révèle plus ou moins adapté puisque, comme insiste souvent Monique Desroches dans ses interventions publiques (cours, conférences et échanges avec le Ministères de la Culture et des Communications du Québec),  la notion d’immatérialité insinue  l’absence de matière, ce qui est un non-sens pour la musique puisqu’elle est matière vibrante.  Dans ce sens, il nous apparaît illogique de considérer une pratique artistique ou encore des savoirs et savoirs-faire transmis par un être humain comme étant non tangible.   Pour reprendre l’exemple de la musique, au seul niveau de la production de sons, nous sommes devant des vibrations qui ne peuvent « acoustiquement » être qualifiées de non-tangibles ou d’immatérielles.  Le son est matière, comme l’explique Gilbert Rouget : « Une vibration musicale peut être quelque chose de palpable »(1990;230) et « même dans son aspect le plus immatériel – le son totalement isolé de sa source – la musique est ressentie comme du mouvement qui se réalise dans l’espace. »(ibid.; 233). Toutefois, ainsi que le rappelle Grebe (1976; 5), « bien que les éléments physico-acoustiques sont matière éminente, la musique est véhiculée principalement dans l’orbite de la culture immatérielle par sa nature abstraite et spirituelle ».  Cette « culture immatérielle » dont il est ici question doit être comprise, à notre avis, en tant qu’ensemble des références et des idées qui suscitent la création musicale, puisque, une fois celui-ci exprimé sous forme de musique et de geste, l’élément matériel ne peut plus en être écarté.  Au-delà du son en soi,  que fait-on des instruments de musiques, du geste de l’interprète et de celui du compositeur et, parfois même, des partitions et des paroles de chansons écrites?  Il serait faux de croire que la musique ne se matérialise qu’à partir du moment où on la fixe sur papier ou sur tout autre support.   Nous voyons bien que le mot « immatériel » cause ici problème. On aura tendance à classifier les musiques écrites dans une toute autre catégorie que celles pour lesquelles il existe des partitions, alors que la tradition qui leur a donné naissance n’est pas toujours si éloignée et que toute musique contient une part d’oralité lorsqu’elle est interprétée.  Ainsi, l’acte créateur consiste à donner vie, en l’occurrence, à une musique, un conte, une danse, etc. et, loin d’être stable, cette « vie » se renouvelle constamment en fonction de l’artiste et du contexte.  C’est pourquoi nous retenons l’expression « patrimoine vivant » ou, dans le cadre de ce travail, « patrimoine culturel vivant » comme étant une sous-division du premier.

Pour les ethnomusicologues, qui travaillent souvent auprès des porteurs de traditions, c’est-à-dire les musiciens,  une approche dynamique est prônée, en raison de l’aspect « vivant » du patrimoine avec lequel ils travaillent.  Il arrive toutefois que le patrimoine ne soit plus vivant, au sens où la pratique qui lui est associée n’a plus cours au moment présent, et il conviendrait alors de parler de patrimoine « mis en veille » ou, tel que le propose l’UNESCO, de patrimoine « révolu[11] » (Lamontagne, 1994; 6).  À notre avis, un patrimoine « mis en veilleuse » nous paraît davantage approprié puisque plusieurs pratiques culturelles ou artistiques qui nous paraissaient disparues ou délaissées ont soudainement refait surface (Desroches, 1993 et 1998).

Au Ministère de la Culture et des Communications du Québec, on parle de volet matériel et de volet immatériel du patrimoine ethnologique, le premier étant lié à au tangible et aux artefacts[12], le second, à l’intangible et aux mentefacts[13].  Pour le MCC, « le patrimoine ethnologique est désormais perçu comme une réalité vivante qui n’appréhende le passé que par rapport au présent[14] » et « même s’il se fonde sur la durée et la continuité, il n’est pas synonyme du passé, mais au contraire facteur de changement et d’évolution [15] ».  Au niveau fédéral (canadien), les expressions  « patrimoine immatériel » ou « patrimoine vivant » ne figurent nulle part sur le site web du Ministère du Patrimoine Canadien. Pour sa part, la Ville de Montréal suggère dans sa Proposition de politique de développement culturel pour la Ville de Montréal, une « valorisation de la culture qui passe d’abord par la reconnaissance de ceux et celles qui la produisent [16] », ce qui la rapproche du concept de patrimoine vivant, mais c’est là la seule allusion à cette dimension.

Enfin, un dernier concept revient régulièrement, notamment dans le vocabulaire utilisé au MCC, lorsqu’il est question de patrimoine vivant : celui de « porteur de traditions ».  Ces termes renvoient plus spécifiquement à « l’agent de transmission, celui qui entretient des liens directs avec la pratique, sans rupture de contact» (Lamontagne, 1994;36).  Investi d’un savoir, le porteur de tradition est le praticien.  Le MCC qualifie ce contexte de « système dynamique authentique »(idem), puisque les pratiques sont actuelles et vivantes et elles conservent, à travers les changements sociaux, un lien vital avec la fonction première.  Le terme « authentique » est ici critiquable, puisque l’authenticité, au sens qu’on semble lui accorder ici, soit celui de la tradition pure et originale, est difficilement vérifiable.  Nous pourrions toutefois rapprocher ce concept du « nativistic movement » exposé par Linton (1965).

Dans les pratiques ludiques et esthétiques, il arrive souvent que l’on soit confronté à un « système dynamique modifié », encore une fois selon les termes du MCC, c’est-à-dire la perpétuation d’une tradition dans un environnement favorable, mais non initial. Il peut donc s’agir de traditions qui se réinventent, se reconstruisent ou encore, après avoir été mises de côté pendant un certain temps, connaissent de nouveau la popularité. C’est ce phénomène que nous appellerions, en termes d’ethnomusicologie, le revivalisme musical, qui peut se définir comme un mouvement socioculturel qui s’efforce de ranimer, voire de redynamiser, un système musical jusqu’alors relégué aux oubliettes ou mis en veilleuse, afin d’en faire bénéficier la société contemporaine.  Il peut aussi servir à des fins politiques ou comme facteur fondateur de construction identitaire.  Baumann (1996; 80-81) reconnaît deux modèles de « revival » : le purisme, qui tente de reproduire une musique, en l’occurrence, telle qu’elle était jouée et entendue avant sa perte d’audience, ainsi que la fusion du vieux avec du nouveau.  Il ne faudrait pas oublier les effets du « revival industry » (Livingston, 1999; 80), qui propose un inévitable partenariat entre les musiques du « revival » et l’industrie culturelle qui va jusqu’à, dans certains cas, transformer le « revival » en phénomène de culture populaire – voire parfois folklorique, en grande partie en raison du fait que la musique est conçue principalement en tant que divertissement dans les cultures capitalistes et aussi parce que les musiques du « revival » doivent constamment se faire une place dans la société afin de s’assurer un minimum de succès.

Pour le chercheur Du Berger, le facteur agissant devient alors un médiateur culturel[17], puisqu’il se réapproprie une tradition sans qu’elle ne lui soit transmise directement, plutôt qu’un porteur de tradition.

L’UNESCO, pour bien marquer cette différence entre un médiateur culturel et un porteur de traditions, qualifie ce dernier d’agent transmetteur afin de souligner la transmission des savoirs et savoir-faire qui s’opère par lui et, convient-il d’ajouter, en lui. Cette nuance tend à proposer que si le porteur de traditions est facteur d’authenticité, il est aussi facteur de changement, cependant toujours imprégné à l’action. Son propre contexte naturel, son milieu de vie, ne ressemble plus à celui de ses parents ou grands-parents, et quand il chante ou danse, à titre d’exemple, il n’interprète pas; il vit ce qu’il sait et pour cette raison ne sait pas que ce faisant il élabore le patrimoine vivant et qu’il en est l’âme.  (Lamontagne, 1994; 10)

Ainsi, le médiateur culturel s’oppose à l’agent transmetteur dans le sens où il agit souvent en rupture de contact direct avec la tradition qu’il exploite dans un but de protection, de promotion et de diffusion souvent indispensables à la conscience collective et à l’identité culturelle.

Tous ces concepts et définitions proposent une réflexion qui nous mènera à l’analyse des problématiques reliées au patrimoine culturel vivant.  Nous tenterons tout d’abord de voir de quelle manière l’étude patrimoine culturel vivant s’inscrit dans la discipline ethnomusicologique.

2.2         Le patrimoine culturel vivant abordé dans une perspective   ethnomusicologique

L’étude de la question du patrimoine culturel vivant nous mène inévitablement à certaines thématiques étudiées dans plusieurs disciplines des sciences sociales et des arts.  Dans cette section nous tenterons de cerner certains thèmes ou idées en lien avec notre sujet et, surtout, de faire le lien avec une partie de la littérature disponible à ce jour.  La discipline ethnomusicologique se voulant inclusive, au sens où elle s’abreuve à plusieurs disciplines, les auteurs auxquels nous nous réfèrerons proviennent de divers champs de recherche.

2.2.1  La culture et la musique : constructions humaines

Le terme de culture pose souvent un problème dans sa définition.  Longtemps  comprise comme possédant des attributs particuliers, souvent déterminés par des recherches scientifiques, la culture apparaissait ainsi statique dans le temps et dans l’espace.  Nous sommes d’avis avec Salemink lorsqu’il déplore l’idée que : « une fois qu’une culture traditionnelle a été décrite et authentifiée par les recherches ethnographiques, tout changement social et culturel est alors considéré comme un amoindrissement de son authenticité et de sa tradition » (2004;197).  Selon cette conception, peu de place est laissée à l’être humain, bien que ce dernier soit ubiquiste dans toute élaboration et manifestation culturelle.  En ethnomusicologie, les hommes, les sujets musicant et écoutant, sont au cœur du processus musical, comme l’affirmait, en 1960, un des pionniers de la discipline, Alan Merriam.  « Sans la pensée, l’acte et la création humaines, le son musical ne peut exister[18]” (1960, viii).  Plus tard, Salemink renchérit en affirmant que : « La culture est une construction humaine au sens où elle ne possède pas d’attributs permanents; c’est une reconstruction constante par les agents de la culture dans une volonté dynamique de préservation et de changement en interférence avec l’environnement. » (art.cit.)  Ainsi, la culture est le fruit d’une expérience particulière, d’un passé commun et d’une mémoire commune.  Elle se développe à la fois de manière collective et individuelle.  C’est d’ailleurs une conception de la culture qui est partagée par la majorité des ethnomusicologues contemporains.

En ce qui a trait au patrimoine proprement dit,  il est encore souvent (trop souvent, selon nous) associé à une idée passéiste.  Selon nous, les pratiques patrimoniales s’inscrivent dans un contexte de transformation du champ culturel et aussi de notre modèle de consommation.  La patrimonialisation des cultures populaires, selon Babadzan (2001 ; 4-5), « traduit fondamentalement l’instauration d’un rapport à la culture qui n’est que moderne, sans équivalent dans les sociétés traditionnelles ».

2.2.2 Le patrimoine musical : entre le local et le global

Le terme de patrimoine est également fréquemment associé, de manière générale, au produit d’un symbole d’une identité collective et concerne donc l’opinion publique. Toutefois, il ne doit pas se lire uniquement en fonction du passé.  Mais comment une pratique devient-elle patrimoine?  La sélection dépend-elle de la durée de la pratique dans le temps, de l’étendue (géographique) de sa pratique, de critères esthétiques, de la signification pour un collectif, d’une certaine reconnaissance?  La liste pourrait s’allonger…    Comme l’affirment bien les sociologues et urbanistes Hamel et Poitras (1994; 5), « au fur et à mesure que la mondialisation de l’économie bouleverse nos habitudes de production et de consommation, elle entraîne aussi des effets sur nos représentations culturelles et sur la hiérarchie des valeurs dominantes ».  Nous partageons également avec eux le fait que bien que le patrimoine soit porté par une propension à l’homogénéisation sociale et culturelle, il coïncide aussi avec une promotion des valeurs locales.  En effet, en faisant appel à la tradition, particulièrement sous l’angle de son expression locale, et en favorisant une « marchandisation » du patrimoine, on fournit une légitimité aux pratiques qui récupèrent le passé sous diverses formes pour le traiter avant tout comme une commodité et un bien de consommation (idem; 11).  Fowler (1992) souligne quant à lui la complexité de la gestion du patrimoine, soumis, entre autres, à des conflits de juridiction et à des luttes de pouvoir.  Il existe effectivement un risque de perdre de vue la finalité première du patrimoine, ce qui favorise alors sa manipulation à partir d’une perspective mythique et idéalisée.

2.2.3  Le souci de préservation de l’origine, la crainte de la   disparition  et la patrimonialisation

Mais un fait demeure. Dans le cas qui nous intéresse ici, celui du patrimoine vivant, nous ne pouvons faire abstraction de la mouvance des idées et des pratiques, que ce soit à l’intérieur même d’une culture ou lorsque celle-ci est en contact avec d’autres.  Kattan (1996; 9) parle d’un équilibre instable entre deux pôles, soit le souci de préservation de l’origine et de la différence et la dissolution dans l’autre culture qui, dans une similaire volonté d’autoprotection, l’affronte et la menace.  Choay (1992; 188) va dans le même sens en parlant d’une crise contemporaine de la planification urbaine et de l’architecture en écrivant : « Le miroir du patrimoine sur lequel nous nous penchons avec passion a perdu son rôle créateur pour une fonction de défense et de conservation d’une idée de nous-mêmes ».  Nous voyons bien que cette idée peut très bien être transférable à la problématique du patrimoine vivant.

Les termes « d’acte de patrimonialisation » nous paraissent hasardeux, au sens où il risque fortement de figer une pratique culturelle dans le temps ainsi que dans l’espace.  Car le processus par lequel un objet devient patrimonial implique une transformation de la charge symbolique, affective ou autre de l’objet qui subit ainsi une mutation de sens. Il n’est pas sans effet, tel que l’affirme Rodriguez (2001;71-72) : « Patrimony appropriates objects of tradition and displays them in a theatrical form, in a kind of scenario that constitutes the public ».  De plus, on ne peut pas passer sous silence le fait que la patrimonialisation peut parfois mener au processus de foklorisation, « indissociable, selon Babadzan (2001; 3), (et nous ajouterions, dans certaines aires culturelles) du processus d’édification d’un État moderne fondé sur la nation comme communauté de culture, indissociable aussi de la volonté, politique, de montrer et de démontrer l’existence éternelle d’une nation culturelle déterminée par la possession matérielle de traits culturels objectifs ».  Nous sommes cependant d’avis que toute tendance vers cette folklorisation des pratiques culturelles devrait être étudiée et analysée auprès des communautés concernées, et avec elles, afin de prévenir les conséquences néfastes pouvant en découler, mais aussi de leur permettre d’envisager une vision basée non seulement sur le passé, mais davantage sur le présent et le futur.

Le patrimoine est généralement indissociable de la notion de préservation, et plus exactement de la crainte d’une éventuelle disparition de ce dernier par les forces du temps. Ces préoccupations ne datent pas d’hier.  Déjà au début du XXe siècle, l’ethnomusicologue Hornbostel (1905) exprimait, en ce sens, une crainte de la disparition rapide des musiques du peuple (« folk ») et recommandait qu’elles soient enregistrées et étudiées avant qu’elles ne disparaissent.  Un siècle plus tard, ces musiques se sont modifiées, certes, mais elles existent toujours, du moins pour la plupart. On n’a qu’à penser aux jeux de gorge (Katajjaat) des Inuits du Canada que l’on croyait disparus au cours des années 1970 et à la popularité de ce genre qui a connu une forme de revivalisme dans les années 1990 (Beaudry, 2005).

Dans ce transfert ou cette adaptation aux conditions contemporaines, la tradition implique parfois un système d’écriture, commande un procédé de classification ou l’élaboration  précise de répertoires.  Ces opérations favorisent toutefois fréquemment une sorte de statisme des genres traditionnels-populaires. Pour Canclini (1995), ce processus traduit le changement d’une tradition en patrimoine.  Ainsi intégrés à la logique du patrimoine, la popularité de l’objet peut laisser place à une plus grande considération de l’état et de l’appartenance (Rodriguez; 2001;59[19]).  Ainsi, il serait possible de voir apparaître une évolution parallèle à la pratique reconnue et préservée, par des praticiens qui refusent d’adhérer, faute d’identification, aux valeurs accordées au processus de patrimonialisation.  Aussi, nous sommes d’avis avec Rodriguez (2001; 60) que le « traditionnel-populaire » n’est inscrit à l’intérieur de l’historiographie des classes dominantes qu’à partir du moment où il devient « national-traditionnel-populaire ». L’exemple du samba au Brésil nous l’a démontré. Ainsi, une pratique culturelle, bien qu’elle ne passe pas nécessairement toujours par un processus de nationalisation, franchit une procédure de reconnaissance en tant qu’élément représentatif, unificateur ou encore d’un particularisme exceptionnel, auprès des gens au pouvoir d’une nation, avant de risquer d’être reconnu officiellement comme patrimoine.  Le patrimoine culturel vivant doit toutefois être considéré, selon notre perception, dans un sens plus large que ce patrimoine décrit ci-dessus, c’est-à-dire qu’il comprend toutes les pratiques culturelles qui ont une signification quelconque pour un groupe ou une communauté.

2.2.4  Une mémoire tournée vers le futur : un patrimoine en  devenir?

Dans le sens de ce que nous venons d’évoquer, nous sommes d’accord avec Ost (2000; 206) lorsqu’il affirme que le patrimoine devient alors  « moins une propriété qu’une promesse, moins une vérité qu’une question, moins un trésor en arrière qu’une quête en avant ».  Le patrimoine est une forme d’héritage sans testament, qui continue toujours à signifier, « une action, un événement, un chef-d’œuvre, un objet, mais, surtout, la mémoire de tout cela ou plutôt – puisque son sens est en avant plutôt qu’en arrière- la reformulation, la réécriture d’un héritage toujours en attente  d’être signifié » (idem;207).  Bref, l’objet patrimonial devient une potentialité.

Enfin, tel que l’affirme l’ethnomusicologue Laurent Aubert (2004 ; 117),  la problématique de la préservation, lorsqu’elle est liée à la musique, concerne moins l’objet musical en tant que tel (sauf évidemment pour les collections d’instruments) que sa mémoire.  Ainsi que le souligne Desroches (2005), la mémoire humaine est sélective, active et créative.  Elle est un espace de construction symbolique. En lien avec l’ethnicité, c’est elle qui permet la sélection de paramètres expressifs et stylistiques.  Il s’agit donc d’un processus continu et dynamique.

2.2.5  À propos de l’authenticité

Pour plusieurs ethnomusicologues, tels que Prass (2004) ou N’Ketia (1974), l’apprentissage des musiques de tradition orale se fait à travers  l’expérience sociale.  Dans cette optique, nous sommes d’avis avec Prass (2004 ; 153) que, « dans le cas des cultures de tradition orale, la transmission des savoirs, accompagnée d’une transmission de valeurs,  se produit lors des diverses expériences de la vie, dans son environnement social ».  Ainsi, pour l’ethnomusicologue John Blacking (1973), c’est seulement dans un contexte spécifique qu’une musique est créée et qu’elle acquiert un (ou plutôt des) sens.  Dans cette foulée, Ong (1982) propose le concept d’oralité secondaire qui découle de la transformation de l’usage de la parole, ou dans ce cas-ci d’une tradition musicale,  à partir du moment où celle-ci fait l’objet d’une capture graphique, ou sonore. Cette notion peut être inhérente à la transmission de certaines musiques par le biais d’une partition ou encore par voie d’outils liés aux technologies, tels que les enregistrements musicaux, les films, l’internet, etc.  Le sens donné à la musique risque alors de différer de celui transmis par contact direct.  Ces (relativement) nouvelles façons de faire posent notamment la question de l’authenticité.

Les changements dans les rapports entre les cultures, les flux migratoires, le développement touristique, les fusions culturelles et artistiques et les nouvelles technologies nous obligent aujourd’hui à repenser l’authenticité, qui « ne peut se déployer que dans le mouvement, et celui-ci est apport et métamorphose » (Kattan, 1996:42 et Desroches et Guertin, 2005).  La question de l’authenticité se pose inévitablement lorsque vient le temps de choisir, notamment, ce qui sera sauvegardé en tant que culture significative d’un peuple. L’authenticité relève d’un jugement de valeurs et se veut ainsi une construction.  Elle peut être singulière, soit par rapport à soi-même, ou encore collective, et renvoie alors aux traditions transmises de génération en génération et à une forme de consensus.  L’authenticité a un caractère temporel, mais aussi contextuel.   Ainsi, elle n’implique pas l’absence de changement, mais, au contraire, s’ancre dans le moment présent (Desroches et Guertin, idem).

Alors que le concept de changement était perçu négativement par les ethnomusicologues au début du XXe siècle, puisque, de façon générale, on  estimait que les musiques traditionnelles étaient plus ou moins statiques et que le rôle du chercheur était de les préserver, l’étude des variations et des transmutations réalisées de diverses manières est devenu graduellement le principal sujet de recherche en ethnomusicologie (Netll; 2002;3).   Pour Nettl (2002;10), « la stabilité et les changements musicaux constituent des valeurs esthétiques et peut-être éthiques ».  Il faut donc étudier non seulement le caractère du changement, mais également le niveau de désir qui y est rattaché et son pourquoi.  Comme l’exprime bien Nettl (idem; 15-16) :

Si un changement dans le style suppose que quelque chose de reconnaissable doit être maintenu, il se peut que ce quelque chose soit un élément symbolique important pour que l’association avec le groupe social soit perpétuée. 

Ce sont donc ces facteurs qui garantissent la continuité, au-delà des changements.  Cette continuité, quant à elle, peut être fortement liée à la tradition.  En effet, une des bases de l’ethnographie musicale se retrouve entre la tradition et les transformations culturelles.

Selon Desroches (1998 et 2004 dans Benoist et al.), les traditions musicales sont le résultat d’un aspect dynamique de la mémoire face aux phénomènes de mondialisation, d’un côté, et de régionalisation, de l’autre.  L’identité culturelle se créerait et se recréerait ainsi entre la rencontre, voire dans la négociation, entre avec l’altérité et l’affirmation d’une singularité.  Vue sous l’angle de l’ethnologie, la tradition doit être comprise dans sa mise en réseaux, dans sa mise en relations (Amselle, 2001) avec d’autres cultures.

Un patrimoine authentique serait ainsi la conjugaison de l’histoire et de la contextualisation et il impliquerait une sélection de paramètres et non la reproduction intégrale des éléments ancestraux.  Cette sélection de traits expressifs liée à la tradition représente « un point de vue que les hommes du présent développent sur ce qui les a précédés, un recours au passé conduit en fonction de critères contemporains » (Bonniol, 2004; 150).   Enfin, les symboles choisis font référence à une valeur émotionnelle à l’objet.  Si certaines musiques survivent plus facilement que d’autres, c’est qu’elles ont toujours un sens pour une ethnie, un groupe social ou une communauté.  Toutefois, apparaissent parfois des éléments « fabriqués », un passé réinventé, qui ne correspondent pas à ce qui est préservé dans la mémoire populaire.

2.2.6  De la représentation de la tradition

Pour Rodriguez (2001; 59), il existerait un lien entre l’ignorance et la tradition, ainsi qu’une opposition explicite entre tradition et modernisation.  L’auteur insinue ainsi que la tradition se base trop souvent sur des éléments non fondés et parfois erronés ou clichés et que la tradition est généralement perçue comme statique et passéiste.  De plus, on y recourt fréquemment comme objet d’idéalisation ou de stratégie, en adoptant une attitude réfractaire aux changements.  C’est ce que Hobsbawn et Ranger (1983) qualifient d’usage social du passé.  Ce passé peut alors être réinventé, c’est-à-dire qu’on ne retient qu’une vision romancée d’une époque passée, souvent par et/ou pour le politique.  Alors que certains parlent d’une invention de la tradition, Salemink (2001; 197-98) voit plutôt une construction de la tradition, dans le sens où les cultures et les traditions sont constamment reconstruites à partir de situation changeantes.  Il n’y aurait donc pas de point zéro pour une tradition permanente et originelle peu à peu remplacée par une culture mondiale.  Lortat-Jacob (1999;165) abonde dans le même sens puisque, pour lui, « pour pouvoir être dénommée comme telle, une tradition se (re)construit chaque jour ; elle est donc fondamentalement active et, productrice de sens, elle mobilise ses acteurs.

2.2.7 Identité et acculturation : question de choix

Nous ne pourrions enfin parler de patrimoine sans aborder, quoique brièvement, les questions d’identité et d’acculturation.   L’identité, comme le dit Mattoso (2003; 7), est plurielle, donc relative, et elle peut avoir plusieurs sens.  Cependant, l’option identitaire n’est pas purement individuelle parce qu’il n’y a que certaines identités possibles dans chaque contexte particulier.  Nous croyons, tout comme le suggère Gruzinski (1999), que les cultures sont inclusives.  Ainsi, elles seraient le résultat d’une certaine acculturation.  Lombard (2004 ; 77) parle d’un « « filtrage » de la culture réceptrice, une sélection parmi les apports culturels extérieurs, sélection qui entraîne une réinterprétation, concept fondamental dans l’étude de l’acculturation ».  Cette dernière, pour Ricoeur (2000), peut se définir à l’aide des mêmes adjectifs que mémoire et oubli. Poussée à l’extrême, l’acculturation peut mener à l’assimilation.

Pour conclure ce chapitre, nous pouvons affirmer que cette démarche de patrimonialisation impose un choix et la valorisation de certaines pratiques, souvent au détriment des autres. Ce processus peut contribuer à créer une distance, voire une forme de ghettoïsation, entre les différents groupes culturels en isolant ces pratiques du patrimoine historique et des autres types de patrimoines.

CHAPITRE 3 :  Le patrimoine culturel vivant au Québec

3.1 Contexte et historique

Au Québec, le patrimoine culturel vivant  est considéré comme un élément fondamental de l’identité québécoise.  Sa sauvegarde s’inscrit dans la foulée de cette conception et philosophie.  Le combat pour le maintien et la sauvegarde de la langue française constitue un pas important vers une revendication de ce patrimoine culturel québécois souvent perçu comme étant menacé.  Plusieurs mouvements pour la valorisation et la sauvegarde du patrimoine vivant sont nés depuis les trente dernières années. La plupart sont aujourd’hui constitués en organismes non gouvernementaux dont l’objectif est de faire la promotion du patrimoine  vivant québécois.  La définition de ce dernier varie toutefois d’un organisme à l’autre, ainsi que nous le verrons un peu plus loin. Globalement, ces variations résultent de leur vision politique et aussi des relations politiques et sociales qu’elles entretiennent avec les communautés, les partenaires financiers et les instances gouvernementales.

Pour les ethno-nationalistes[20], et c’est peut-être dans cette lignée que se sont longtemps inscrits certains tenants de la tradition franco-québécoise, la tradition et la cohésion communautaire sont menacées.  La société québécoise représente alors une mosaïque de groupes et de communautés aux intérêts et histoires divergents et aucun risque ne doit être couru en tentant des alliances avec d’autres groupes.  Cette attitude a passablement changé et évolué et le processus de fragmentation ethnique au Québec s’est transformé notamment avec « l’énoncé de politique en matière d’immigration et d’intégration », en décembre 1990.  Le second courant d’importance est celui représenté par plusieurs fédéralistes et indépendantistes : le néo-libéralisme.  Celui-ci s’oppose à toute intervention étatique dans le champ de la production ou de la reproduction d’une culture nationale.  Selon cette vision, il est du mandat du gouvernement de reconnaître la société civile comme cosmopolite en assurant une égalité d’accès à la reconnaissance et au financement des manifestations culturelles de tous les individus, quels que soient leur origine culturelle et leur choix linguistique.  À partir de ces deux modèles, nous pouvons deviner que le modèle adopté  pour assurer une sauvegarde et une valorisation du patrimoine culturel vivant québécois risque fortement d’être critiqué par une partie des citoyens québécois.  Un des défis particuliers au Québec sera donc d’arriver à considérer les besoins de toute la population et ce, dans le respect des individus et des groupes et dans la perspective d’une durabilité et d’un épanouissement sain des cultures.  Comme le souligne Londrès (2004 :170), « le rôle de l’État dans cette affaire devrait être moins celui de contrôleur […] que celui d’un partenaire important chargé d’assister les groupes et les communautés afin de leur donner les moyens d’exercer leur droit à la production et à la préservation de la culture ».  Nous allons dans ce sens, en insistant sur la participation active de l’ensemble de la population québécoise actuelle dans le processus de sauvegarde.

L’intervention du gouvernement du Québec dans développement  de la connaissance et la sensibilisation du public face aux éléments des patrimoines  matériels et vivants ne date pas d’hier.  Dès années 1930, des programmes d’inventaires ont été initiés.  Le Ministère de la Culture et des Communication, sensible à la situation particulière du Québec en Amérique du Nord,  a contribué à une reconnaissance du champ du patrimoine vivant au cours des dernières décennies, par de l’aide financière et  technique afin de mettre en place des organismes voués à la recherche sur le patrimoine vivant et aussi à sa sauvegarde.  Toutefois, tel que nous le verrons plus loin, cette aide s’avère insuffisante pour assurer le bon fonctionnement de ces structures.

Ce n’est que vers 1987 que le ministère des Affaires culturelles du Québec s’est penché sur la question du patrimoine vivant et qu’il a reconnu ce dernier comme une composante majeure du patrimoine.   Les pratiques se regroupent à l’intérieur de trois champs : le champ coutumier (pratiques coutumières), le champ pragmatique (pratiques du corps, alimentaires, vestimentaires, techniques) et le champ symbolique et expressif (pratiques ludiques et esthétiques, linguistiques, scientifiques, éthiques)[21].

Notre pays n’en était pas vraiment à ses premières armes en matière de sauvegarde du patrimoine vivant.  En effet, nous avons dû faire face déjà à deux cas particuliers de patrimoine vivant : celui des langues officielles, ainsi que celui des Premières Nations.  Ces dernières ayant subi un processus de colonisation puis d’acculturation, il devint primordial de reconnaître et de protéger certains aspects de leur culture tels que les cérémoniels, les rituels, les langues, les savoirs traditionnels, les récits, les chants, etc., porteurs de  valeur spirituelle. Les « programmes autochtones » du gouvernement fédéral visent, entre autres, à protéger et à revitaliser les langues autochtones au profit des générations futures[22].  Aussi, le Conseil des Arts du Canada a commencé à introduire les pratiques artistiques autochtones dans ses programmes à la fin des années 1990 et il s’est récemment doté d’un Secrétariat des arts autochtones.  Au Québec, c’est le Secrétariat aux affaires autochtones qui dévoila, en 1998, de nouvelles orientations politiques : le Québec reconnaissait désormais la nature distincte et le droit à leur culture, leur langue, leurs coutumes et traditions.  Bien que ces deux cas soient des plus intéressants, nous n’élaborerons pas davantage sur ce sujet dans le cadre de ce travail.  Enfin, le patrimoine vivant du pays doit maintenant faire face à de nouveaux défis, tels que l’impact des nouvelles technologies, la mondialisation ou encore les flux migratoires.

La prise de conscience de l’importance d’une reconnaissance des facteurs vivants du patrimoine est  plutôt récente, même si certaines démarches de sauvegarde et de conservations ont été entreprises dès le début du XXe siècle.  La Société du parler français, créée pour sauvegarder la langue française en Amérique du Nord,  est un bon exemple de ces premières initiatives.

3.2  Principaux acteurs – Une brève analyse

3.2.1  Les musiciens

La vie musicale québécoise est riche et variée.  Lorsque vient le temps de parler de patrimoine musical ou de patrimoine culturel vivant, nous devons nous poser la question à savoir quelle(s) musique(s) est/sont associée/s à cette expression.  De manière générale, les musiciens à qui nous avons présenté ce thème nous ont référé à des musiciens dit « traditionnels » ou encore aux artistes de « folklore ».  Ces musiciens peuvent être professionnels[23], au sens où leur principale source de revenu provient de la musique, mais la plupart des pratiquants le font comme « à-côté », voire comme simple loisir.

Les musiques dites « populaires » doivent, selon nos répondants, être écartées du patrimoine, puisqu’elles ne relèvent pas de la tradition.  À notre avis, ce propos mérite d’être nuancé.  Tout d’abord, il faut faire la distinction entre musiques populaires et musiques produites dans un but commercial.  En outre, la démarcation entre les deux types d’expression est souvent difficile à établir.  De plus, rien ne démontre que les autres styles de musique ne sont aucunement le résultat de traditions.  Nous n’avons qu’à penser au jazz, par exemple, qui s’inscrit tout à fait à l’intérieur de l’évolution d’un style, mais que les musiciens ne considèrent généralement pas comme musique traditionnelle.  De façon générale, les musiques traditionnelles[24] sont moins associées à des individus qu’à des collectifs, mais il existe toujours des exceptions.  Toutefois, les notions de mémoire et de temps semblent être au centre de la conception du patrimoine musical.  Pour le chanteur traditionnel et ethnologue Robert Bouthillier, « il faut réfléchir à la définition même du mot tradition.  On ne peut pas être traditionnel parce qu’on revendique de l’être.  La tradition dépasse les intentions, les idéologies[25] ».  De plus, la tradition est, pour lui, « l’aboutissement d’un devenir et non pas une revendication et un point de départ ».  Tous s’entendent pour affirmer que les musiques ne se transmettent plus toujours comme avant et qu’elles s’inscrivent aujourd’hui dans de nouveaux contextes et de nouveaux espaces.  Comme Robert Bouthillier l’a souligné lors d’un entretien, les choses ne sont plus monolithiques et la fonction unique de remplir un univers sonore par défaut n’existe plus.  Conséquemment, la musique traditionnelle ne peut plus être obligatoirement collective.  Il y a donc un besoin d’information et de pédagogie, puisque les musiques traditionnelles relèvent aujourd’hui d’un choix.  Pour encore plusieurs musiciens, particulièrement les violoneux, la transmission se fait à l’intérieur du noyau familial et par la pratique sociale.  Toutefois, de plus en plus de jeunes (20-30 ans) consultent des archives musicales afin de venir recueillir du répertoire et de se plonger dans la tradition.  Certains ont déjà acquis une formation musicale à l’intérieur des institutions.

L’utilisation d’instruments traditionnels demeure primordial dans la préservation d’un patrimoine musical selon Gotta Lago, chanteur et musicien d’origine ivoirienne.  Bien que les contextes aient  parfois été changés, le moyen d’expression doit demeurer.  Les voix entrent aussi dans le patrimoine selon lui, particulièrement en Afrique.  Gotta entend par voix non seulement les caractéristiques associées au timbre et à la musicalité, mais également les messages qui sont véhiculés.  Pour lui, l’environnement social est primordial.  On ne peut pas préserver la musique d’un peuple si on fait de la déforestation, si on déplace les gens, etc.  « Sans les peuples, il n’y a pas de musique ; il faut donc sauvegarder les peuples ».  La situation du Québec paraît assez complexe aux yeux de Gotta, qui cherche également à connaître les musiques traditionnelles du Québec depuis son arrivée ici, il y a huit ans.  « Je fais une certaine investigation auprès des gens par rapport à la musique traditionnelle, mais on dirait qu’il n’y a pas d’intérêt.  Les gens ne l’écoute que pendant les Fêtes . »  Il en conclut que les gens s’occupent souvent beaucoup moins de ce qu’ils ont chez-eux.

En effet, les musiques traditionnelles québécoises ont perdu du terrain auprès du grand public, tandis que les musiques qui proviennent de l’étranger occupent un créneau de plus en plus grand.  Il est par ailleurs intéressant de noter que, bien que le Québec se veuille une société multiculturelle et interculturelle, très peu de gens associent les musiques des diverses communautés culturelles à notre patrimoine commun.  Nous verrons que cette tendance se maintient au niveau de certains regroupements et organismes du secteur, tandis que d’autres se consacrent entièrement à la valorisation des divers patrimoines culturels vivants présents sur le sol québécois.

3.2.2  Le milieu associatif

Au Québec, divers organismes ont été mis sur pied dans l’intention de défendre, de promouvoir et de diffuser les arts traditionnels, notamment par des publications ou des festivals de tous genres.  Chaque organisme a une vocation spécifique.  Ainsi, certains optent pour un travail axé davantage sur le patrimoine artistique, tandis que d’autres misent sur l’ensemble des pratiques et des savoirs traditionnels. De manière générale, ces organismes accordée aux autres types de patrimoines immatériels.  Ces trois organismes défendent ce qu’ils appellent le patrimoine vivant, c’est-à-dire « l’ensemble des traditions ou pratiques ludiques inscrites dans la vie quotidienne d’une communauté, mises en oeuvre par des porteurs de traditions[26] ».  En tout, une vingtaine de groupes contribuent aujourd’hui à la sensibilisation du public au patrimoine culturel vivant au Québec, dont plusieurs organisateurs d’événements.  Il s’agit d’un phénomène relativement récent puisque quinze événements recensés ont été créés pour la première fois au cours des dix dernières années.  Les lignes qui suivent nous permettront de dresser un bref portrait de quelques organismes en lien avec la question du patrimoine vivant et de mieux comprendre le rôle de chacun d’entre eux.

3.2.2.1 Le Conseil québécois du patrimoine vivant (CQPV) : entre le terrain et les institutions gouvernementales

Regrouper, représenter, concerter, réfléchir, revendiquer, informer, organiser, fournir des outils, créer et susciter l’intérêt, tels sont les mots-clé de la mission du Conseil québécois du patrimoine vivant. Le CQPV a d’abord pour tâche de supporter et de défendre les intérêts d’organismes engagés dans le monde du patrimoine vivant, et ce sur l’ensemble du territoire québécois, devant les instances gouvernementales. Il a été créé dans le but de répondre à un besoin de concerter l’ensemble du milieu associatif oeuvrant dans le domaine du patrimoine vivant.   En ce sens, il est une organisation de rassemblement, qui se situe entre le terrain et les institutions gouvernementales. Actif depuis 1993, ses activités, en plus de la production de mémoires, tel que celui déposé pour la politique du patrimoine culturel du MCC, se traduisent dans la diffusion, la recherche et le regroupement.

Bien que le CQPV n’agisse pas directement sur le terrain, il est concerné par la sauvegarde du patrimoine et réfléchit à des moyens de perpétuer certaines pratiques issues de la tradition orale.  Pour Robert Bouthillier, directeur général du CQPV depuis un peu plus d’un an et spécialiste de la chanson de tradition orale, on peut considérer le patrimoine comme un objet, mais aussi comme une culture vivante ou pratiquée.  Le problème qui se pose alors, est de savoir si l’on doit sauvegarder l’objet ou faire que celui-ci ait encore une place dans le contexte actuel.  Bien que les universités avaient déjà entrepris  un travail d’archivage, de nouvelles structures, plus récentes, se sont donné pour mission de faire en sorte que le patrimoine vivant puisse avoir un espace dans son milieu naturel, mais aussi pour les gens qui l’ont adopté comme moyen d’expression culturelle.  Cette dernière pratique est alors associée au mouvement du « revivalisme musical ».

Par patrimoine vivant, le CQPV vise  « les pratiques traditionnelles vécues dans tous les groupes, qu’ils soient francophones, anglophones, autochtones ou membres de communautés culturelles[27] ».  Le siège du CQPV étant situé à Québec, l’organisme travaille beaucoup avec le patrimoine issu de la tradition canadienne française qui comprend :

1. les arts de la parole : contes et légendes, théâtre populaire, poésie populaire;
2. la musique : chanson folklorique et musique instrumentale traditionnelle ou d’inspiration traditionnelle;
3. la danse traditionnelle;
4. les rituels;
5. l’art populaire;
6. les métiers traditionnels;
7. les métiers d’art traditionnels.[28]

Les actions du Conseil québécois du patrimoine vivant visent, comme nous pouvons le constater, particulièrement les pratiques artistiques.  Ceci s’explique probablement par le grand nombre de musiciens impliqués au sein de l’organisme.

Le patrimoine musical jouerait, selon Robert Bouthillier[29], un rôle identitaire,  mais pas de façon fermée.  Ce serait collectivement que ce sentiment naîtrait.  Évidemment, la musique dite « traditionnelle » ne tient plus exactement la même vocation qu’auparavant. La fonction unique de remplir un univers sonore par défaut n’existe plus et, ainsi, la musique n’apparaît plus comme obligatoirement collective.  La musique traditionnelle est aujourd’hui entrée dans un univers de choix, à côté notamment des cultures élitiste et marchande, mais encore faut-il savoir qu’elle existe, comprendre, savoir qu’elle n’est ni ringarde, ni simpliste et qu’il peut y avoir des choses étonnantes dans ces musiques.  Toutefois, les contextes et les modes variants, la pédagogie devient aujourd’hui primordiale pour la connaissance de ces musiques.

Robert Bouthillier insiste sur le fait que la musique traditionnelle est forcément liée à un contexte.  On doit toutefois parler de musiques au pluriel, puisque celles-ci peuvent être autant une musique instrumentale à danser qu’une musique vocale (chanson).  Le contexte permet la perpétuation.  Le contexte ayant changé aujourd’hui, la perpétuation ne pourrait survenir que si l’on crée ces contextes.  Les musiques doivent donc trouver des espaces de représentations, tels que des festivals ou spectacles, mais leur seule façon de réellement survivre consiste à conserver ou développer des espaces conviviaux et sociaux de pratique et de partage.  La représentation serait un passage presque obligé aujourd’hui pour faire reconnaître quelque chose, mais on ne doit pas oublier ce qu’il y a au-delà de celle-ci.  Le CQPV s’inscrit dans une mouvement de musique traditionnelle qui n’a pas besoin de « se déguiser » et de faire des spectacles, bien que la musique puisse à l’occasion être mise en scène.
Ainsi, selon la logique du CQPV, nous devons réfléchir à la définition même du mot tradition, qui dépasse les intentions et les idéologies.  De plus, à partir du moment où nous pouvons identifier des éléments qui appartiennent à la tradition (ancienneté, système d’apprentissage, musiques non écrites, etc.), il restera toujours une part de variations.  Et, comme l’affirme Robert Bouthillier : « la notion de patrimoine peut être élargie.  La tradition est un patrimoine, mais le patrimoine n’est pas toujours une tradition.  La notion de patrimoine est donc plus large que celle de tradition. »

La principale difficulté à laquelle est confronté le CQPV actuellement  est celle du financement.  Sa mission est en effet assez claire, mais l’organisme ne bénéficie pas de moyens suffisants pour la remplir.  Selon Robert Bouthillier, le Ministère a entériné la création de l’organisme en lui offrant un premier budget en 1993 et en lui fournissant un fonctionnaire qui y travaillait, mais le budget est demeuré identique depuis et le fonctionnaire, parti à la retraite, n’a pas été remplacé.  C’est pourquoi le CQPV demande une reconnaissance du patrimoine vivant, volonté qui passe notamment, et surtout,  par un financement adéquat.

3.2.2.2  Le Centre de valorisation du patrimoine vivant

Parmi les organismes de valorisation du patrimoine vivant, on retrouve le Centre de valorisation du patrimoine vivant (CVPV), situé également à Québec.  Cet organisme à but non lucratif fondé en 1981 apparut sous le nom des Danseries de Québec et sa mission était de faire de l’animation autour des musiques et des danses traditionnelles.  Il  contribue aujourd’hui à la mise en valeur de la musique, de la chanson, de la danse, du conte, des coutumes, des arts et métiers traditionnels québécois.  Son but est de développer la compréhension, l’appréciation et la conservation de la culture traditionnelle.  Il vise la recherche, mais surtout à créer des espaces et à susciter l’intérêt et la formation dans le domaine.  Instigateur du Festival international des arts traditionnels (FIAT) de Québec qui se tient chaque année en octobre, le CVPV a également créé l’Atelier du patrimoine vivant en 1995, dont la mission est de répertorier et de mettre en valeur les savoirs et savoirs-faire des porteurs de traditions québécois et leur activités.  Situé à la Place-Royale, à Québec, on y présente des hommes et des femmes qui « perpétuent, enrichissent et transmettent des savoirs et savoir-faire contribuant ainsi à la pérennité d’une part de la culture québécoise[30] ».  Il s’agit donc d’une rencontre avec les « porteurs de tradition ».  Le CVPV œuvre en fonction d’une philosophie équivalente à celle du CQPV, beaucoup de membres  étant impliqués auprès des deux organisations.

3.2.2.3  La Société pour la promotion de la danse traditionnelle du Québec

La Société pour la promotion de la danse traditionnelle du Québec (SPDTQ) se veut en quelque sorte le penchant montréalais du CVPV.  Fondé en mai 1981 par des gens soucieux de perpétuer certaines pratiques artistiques traditionnelles et de les rendre accessibles à tous, l’organisme est le promoteur des « Veillées du Plateau », qui furent en réalité son activité fondatrice.  Elle assure également un rôle dans la formation, la transmission et la diffusion du patrimoine culturel vivant, particulièrement au niveau de la danse et de la musique, entre autres grâce aux stages organisés (Danse Neige, depuis 1986) et au cours dispensés par l’entremise de l’École des Arts de la Veillée (depuis l’hiver 1998).  De plus, elle propose diverses activités qui visent le grand public, dont le festival « La Grande Rencontre » qui présente à chaque été, depuis 1993, des dizaines d’artistes traditionnels.

Selon Louise de Grosbois, coordonnatrice à la SPDTQ, « les aspects les plus positifs de la SPDTQ soulignés sont la capacité de rassembler les gens dans une ambiance familiale, avec une dynamique d’implication et de participation » (2004; 41).  La SPDTQ cherche à créer des contextes propices à la pratique des arts traditionnels et à les rendre accessibles à tous. Le cinéaste de l’ONF André Gladu soulignait, il y a quelques années déjà, plus exactement lors du Rapport d’enquête sur la SPDTQ en 1992, le lien entre la pratique de la danse traditionnelle et la revendication d’une identité et d’un style de vie plus collectif.  Il écrivait :

Qu’on pense en termes de loisir ou de défense du patrimoine, le fait d’exécuter des danses traditionnelles québécoises en pleine ville en 1992, est un geste d’affirmation et de résistance par définition.  C’est faire la promotion d’un système de valeurs qui va à l’encontre du courant des idées dominantes et de l’individualisme à outrance (1992; 35).

La pratique d’arts traditionnels peut donc être associée à des valeurs et à des choix que l’on fait à l’intérieur de la société actuelle.

3.2.2.4  L’Association québécoise de loisirs folkloriques (AQLF)

Alors que la SPDTQ œuvre principalement sur l’île de Montréal, l’Association québécoise de loisirs folkloriques est représentée dans diverses régions du Québec.  Née d’un désir de regrouper les violoneux de la province, l’Association débute ses activités en 1975, sous l’appellation de l’Association des Violoneux du Québec.  Dès 1983, le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche a officiellement reconnu l’organisme, qui représentait alors cinq comités régionaux et près de mille membres : violoneux, accordéonistes, gigueurs, harmonicistes, chanteurs, conteurs et danseurs.  Parallèlement, l’Association des Loisirs Folkloriques du Québec voit le jour et c’est en 1985 que les deux associations sont fusionnées, « dans le but de concerter leurs efforts afin de stimuler les membres à la pratique des loisirs folkloriques grâce à des activités, des stages et des publications [31]».  L’association regroupe aujourd’hui près de 3500 membres et présente chaque année, au mois d’octobre, le Festival de folklore québécois, qui a maintenant lieu à Ste-Hyacinthe.

3.2.2.5  Folklore Canada International

Folklore Canada International est  l’organisme national non-gouvernemental qui joue le rôle de « section nationale » du CIOFF.  Il vise à accroître l’intérêt public et des gouvernements envers le patrimoine d’expression, considéré comme la base de l’identité sociale et culturelle du pays.  L’organisation a pour mission de reconnaître, sauvegarder, mettre en valeur, concerter, regrouper et diffuser, en plus de présenter des événements culturels liés au patrimoine d’expression.  Elle fournit également un centre de documentation.

La structuration des arts traditionnels populaires a débuté lors des fêtes du Centenaire du Canada, en 1967, avec la création du Conseil canadien des arts populaires, suivi de la venue des conseils provinciaux.  Quatre ans plus tard, vint la politique sur le multiculturalisme du gouvernement fédéral, suivie de l’établissement de la Direction du Multiculturalisme.  Plusieurs organisations d’art populaire se convertirent alors en « organismes multiculturels » orientés vers des préoccupations sociales. Faute de budget, le Conseil canadien des arts populaires a dû fermer ses portes.  C’est alors que, en juin 1986, une société sans capital action fut fondée, sous l’appellation de Folklore Canada International.  L’organisme proposait de poursuivre les services internationaux d’invitation, d’accueil et de représentation en patrimoine d’expression, dans le but de combler le vide créé par la disparition du Conseil canadien des arts populaires.   Avec les années, les objectifs et réalisations ont évolué et les « arts populaires » ont été remplacés le « patrimoine d’expression ».

En concordance donc avec la politique canadienne de multiculturalisme, Folklore Canada reconnaît les diverses traditions culturelles du pays et en encourage l’expression, de même que les échanges entre les multiples communautés du pays ainsi qu’avec des groupes étrangers.

3.2.2.6  L’Association montréalaise des arts et des traditions populaires

L’Association montréalaise des arts et des traditions populaires (AMATP) est un organisme à but non lucratif qui fut fondé en 1982 dans le but de promouvoir les arts et traditions populaires dans la région de Montréal.  L’organisme organise et encourage la tenue d’événements culturels liés à la musique et la danse traditionnelle, québécoises ou internationales.

La principale activité de l’AMATP reste à ce jour l’organisation et la tenue des danses en plein-air au Lac aux Castors, sur le Mont-Royal, en collaboration avec la Ville de Montréal, lors desquelles débutants, amateurs et professionnels partagent leur engouement pour les danses traditionnelles du monde entier, incluant les danses québécoises.


3.3.2.7  La Société du patrimoine d’expression du Québec (SPEQ)

Au Québec, dans l’optimisme des mouvements de jeunesse des années d’après-guerre, soit des années 1950-60, est né un mouvement folklorique avec des groupes phares tels que les Feux-Follets.  Les premières associations d’arts populaires, dont la Société des arts traditionnels (précurseur de la SPEQ), furent créées dans cette foulée.

La philosophie de la SPEQ s’inscrit à l’intérieur de celle de Folklore Canada International, puisqu’elle représente en quelque sorte sa filiale québécoise.  L’organisme reconnaît l’ensemble des patrimoines qui existent sur le territoire québécois, soit les patrimoines franco-canadiens, amérindiens et tous ceux des diverses communautés culturelles présentes dans la province. La plupart des membres de la SPEQ, dont plusieurs sont issus des communautés culturelles, habitent Montréal et, pour cette raison, les actions de l’organisme se déroulent davantage dans cette ville. La SPEQ travaille également beaucoup en collaboration avec la Ville de Montréal, qui lui fournit notamment ses locaux.

Pour Guy Landry, secrétaire générale de la SPEQ,  l’objectif de l’organisme doit être d’assurer la transmission et l’appropriation.  Il rappelle que la Société travaille avec des traditions rebâties, dans un nouveau contexte, et que recréer un nouveau fondement social  est souvent nécessaire pour assurer la perpétuité de ces pratiques.  Aussi, l’organisme vise à créer des rencontres entre les membres des diverses communautés et encourage les projets en partenariats.  Enfin, la SPEQ fournit de la formation, de l’information et de la documentation à la population.

Depuis 1999, la SPEQ collabore à la Fête des enfants de Montréal qui s’étend sur deux jours et rassemble maintenant dans les 250 000 personnes par édition.  Il s’agit du seul événement du genre au Canada, puisque, d’une part, les spectacles sont faits par des enfants qui conservent des traditions de leur communauté et, d’autre part, une vingtaine de communautés viennent transmettre leurs savoirs-faire par des activités qui visent à donner le goût, susciter la curiosité et une ouverture vers d’autres façons de faire.

La SPEQ fait également face à la difficulté d’obtenir du financement afin d’accomplir sa mission.  Selon Guy Landry, l’organisme se tourne vers la ville de Montréal qui lui fournit les mêmes infrastructures que pour l’ensemble des loisirs.  Toutefois, on s’oriente de plus en plus vers l’auto-financement et on se fie sur les membres des groupes représentés pour assurer quelques tâches de gestion pour certains projets particuliers.

3.2.2.8  Réseau MemoArt

Il s’agit d’un regroupement de festivals et d’événements en patrimoine vivant au Québec.  Fondé en 2000, il offre des services en ressources humaines et matérielles afin d’assurer une plus grande stabilité et une meilleure durabilité à ses membres.[32] Le Réseau représente aussi ses membres auprès de nouveaux marchés et fait la promotion des festivals membres de son réseau, la plupart de ces derniers représentant des pratiques issues du patrimoine québécois francophone.

3.2.2.9  La Société québécoise d’ethnologie

Organisme à but non lucratif, la Société québécoise d’ethnologie (SQE) est au service des ethnologues, des gens et des organismes intéressés au patrimoine et qui se soucient de la mise en valeur du patrimoine, matériel et immatériel, à des fins culturelles, sociales et scientifiques. La Société souhaite faire reconnaître le patrimoine comme un tout et non en tant que patrimoines matériels et immatériels.  Elle souligne le déséquilibre existant entre les différents champs ethnologiques, déplorant la forte représentations d’organismes qui valorisent les pratiques ludiques et esthétiques.  Il s’agit, pour la Société d’ethnologie du Québec, de « pratiques qui sont rentables économiquement et tangibles par leur visibilité immédiate auprès du grand public et des intervenants politiques, alors que les pratiques moins spectaculaires sont souvent laissées sans représentant et sans appui financier[33] ».  Pour cette raison, la Société d’ethnologie du Québec a demandé, lors du Mémoire présenté au groupe-conseil présidé par Roland Arpin, en 1999, « que le ministère de la Culture et des Communications accorde une juste reconnaissance politique et financière à la Société québécoise d’ethnologie en tant que seul organisme agissant avec une vision globale du patrimoine ethnologique[34] ».

3.2.2.10  L’Association canadienne d’ethnologie et de folklore (ACEF)

Association éducative à but non lucratif fondée en 1976, l’ACEF a pour but de « soutenir la formation, la recherche et la diffusion des connaissances en ethnologie[35] ».  Elle compte quelques deux cents membres : des ethnologues, chercheurs, étudiants, éducateurs, etc.  Elle s’est donné pour mission d’encourager la formation et les études en ethnologie, de favoriser la recherche et d’en assurer la diffusion des résultats et d’apporter un soutien à tout regroupement dont les objectifs rejoignent ceux de l’Association.

3.2.3  Les instances gouvernementales

Le 18 août 1999, la ministre de la culture d’alors, Madame Agnès Maltais, rendait public un mandat d’élaboration d’une politique du patrimoine culturel qui toucherait en partie le patrimoine vivant.

Un groupe-conseil, présidé par Roland Arpin, fut alors chargé d’élaborer des  propositions visant à l’élaboration de cette politique.  C’est alors que le Conseil québécois du patrimoine vivant attirait l’attention de ce groupe-conseil et réclamait l’intégration du patrimoine vivant à cette politique.  Il déplorait l’urgence de la situation et demandait une reconnaissance accrue des porteurs de traditions, en citant en exemple les artistes traditionnels :

En effet, les artistes traditionnels sont de réels ambassadeurs de la culture québécoise.  Ces musiciens, violoneux, accordéonistes, chanteuses, gigueurs, disposent d’un répertoire tout à fait unique et original et plusieurs festivals de musique traditionnelle sur le plan international ne tarissent pas d’éloges envers la virtuosité et la créativité de nos meilleurs artistes traditionnels[36].

Ce paragraphe démontre bien l’importance de la mise en place de mesures de sauvegarde, telles que la  valorisation et la préservation des pratiques artistiques, et d’une meilleure connaissance de notre patrimoine culturel et artistique. Il est également intéressant de noter l’allusion au fait que notre patrimoine a dû d’abord être reconnu à l’étranger avant que l’on prenne des mesures spécifiques afin de le préserver et de le valoriser ici.  De plus, de nombreux changements survenus au cours des dernières décennies ont amené la disparition de certains éléments liés à notre culture et nous réagissons à ce phénomène.  « Pour le patrimoine immatériel comme pour le patrimoine matériel, c’est souvent la conscience que des éléments de notre culture disparaissent qui permet de déterminer ce qui est patrimonial[37] ».  Le patrimoine vivant n’échappe pas à cette réalité, mais il fait aussi face à des obstacles qui lui sont spécifiques, telles que le manque de reconnaissance et la difficulté de préserver de façon dynamique ce type de patrimoine.

Pour conclure, la Proposition pour une politique du patrimoine culturel présentée par le Groupe-Conseil dénotait la difficulté à archiver le patrimoine immatériel et, de ce fait, recommandait qu’il y ait une action posée en ce sens. Il y avait pourtant une volonté réelle de conserver des archives sonores, entre autres. À cet égard, le ministère a subventionné plusieurs organismes. Malheureusement, par manque de moyens et de fonds, tel que mentionné par le groupe-conseil, beaucoup de ces archives se sont perdues. Le groupe-conseil a donc proposé de déposer ces archives dans des lieux reconnus par le ministère, soit  les Archives nationales du Québec ou les Archives de folklore de l’Université Laval. Une dernière constatation qui témoignait d’un manque d’une politique, toujours selon le groupe-conseil, était le manque d’organisation et l’absence de politiques de développement de leurs collections.

Malgré le fait qu’il n’existe toujours pas de politique culturelle concernant le patrimoine vivant, plusieurs manifestations vont en ce sens pour tenter d’en définir une. Ces initiatives viennent des artisans du milieu qui se sentent laissés pour compte et qui considèrent leur domaine artistique en péril ou très peu valorisé. C’est pour cela que plusieurs organismes non gouvernementaux prennent l’initiative de créer des regroupements et des manifestations visant à promouvoir ce secteur culturel.

La seule politique culturelle en vigueur au Québec demeure celle de 1992[38] et aucune modification afin d’y inclure le patrimoine culturel vivant y a été apportée depuis.  Au travers des programmes gouvernementaux, très peu d’espace est consacré à cet aspect du patrimoine.  Bien que le Ministères de la Cultures et des Communications reconnaisse le patrimoine vivant en tant que composante majeure du patrimoine, très peu d’actions concrètes sont posées afin d’appuyer sa perpétuité et son épanouissement.  Les enveloppes destinées au patrimoine sont insuffisantes de manière générale, et presque absentes au niveau du patrimoine vivant[39].  Le MCC affirme la dimension essentielle du loisir culturel, mais, encore une fois, n’y propose que très peu d’appui concret, mis à part les mesures d’accès à la culture.  Toutefois, il est important de préciser quelle est cette culture à laquelle le MCC fait allusion.  À notre avis, le gouvernement québécois souffre d’un problème de définition de la culture.  On inclut facilement dans le secteur de la culture tout ce qui est relié aux industries culturelles, sans doute puisque l’apport économique qui y est relié est notable.  De même, on s’est efforcé d’encourager les pratiques culturelles pour lesquelles les lois du marché ne peuvent pas assurer la survie, dans le but de défendre la diversité culturelle.  Cependant, peut-être que cet appui vise encore trop la culture élitiste.  Nous reconnaissons l’importance primordiale de ce support financier à ce secteur des arts, mais nous croyons aussi que le MCC accorde encore trop peu d’importance aux éléments de la culture populaire et aux pratiques amateures. Bien que le patrimoine ethnologique -qui inclut le patrimoine vivant- soit reconnu, celui-ci semble avoir des problèmes à se positionner dans le Québec contemporain.  Le rôle d’un  Ministère de la Culture devrait inclure autant les bénéfices sociaux liés aux pratiques artistiques et culturelles pour la population que les retombées économiques que la culture peut parfois engendrer.

La culture traditionnelle et populaire joue un rôle indéniable dans l’identité des peuples et dans leur épanouissement.  Ainsi, chaque individu et collectivité devrait avoir la possibilité et les moyens de s’exprimer en fonction de son vécu.  La culture québécoise est inclusive, c’est-à-dire qu’elle vit, se construit et s’enrichit à partir d’éléments extérieurs qu’elle sélectionne, puis qu’elle réinterprète selon les acteurs et les contextes. C’est ce qui fait la richesse de notre patrimoine québécois.  La culture joue un rôle social d’intégration et contribue au dialogue.

Comme on l’aura compris, le gouvernement du Québec tente, depuis un certain temps, de décentraliser ses actions en donnant davantage de pouvoirs aux municipalités.  Le patrimoine culturel vivant étant une activité de proximité, il a donc été relégué aux villes et villages, sans toutefois s’accompagner de moyens pour le gérer.

Du côté canadien, l’importance du multiculturalisme, depuis la politique de 1971, donne un tout autre ton à la sauvegarde du patrimoine culturel vivant.  Ce multiculturalisme offre un « cadre politique par lequel on fait la promotion des différences culturelles et de l’égalité sociale en tant que composante de l’ordre social » (Bégin, 2004 :265).  Ainsi, on préconise une unité nationale dans la diversité.  Le gouvernement canadien s’efforce d’inclure les peuples autochtones ainsi que les communautés culturelles dans ses programmes.  La décision de réunir en un département les affaires culturelles, les questions de citoyenneté, d’identité et de diversité démontre bien l’impact social, économique et politique de la culture et l’intention du gouvernement fédéral de supporter l’affirmation d’une culture au sens large.  Toutefois, concrètement, on accorde encore ici aussi trop peu d’importance aux éléments du patrimoine vivant.

CONCLUSION

Au cours des pages antérieures, nous avons tenté d’abord de définir la musique ou la pratique musicale en tant que patrimoine culturel vivant dans la société québécoise.  Celle-ci va , en effet, beaucoup plus loin que l’objet musical en soi.  L’interaction sociale entre être humains est indispensable à la production d’un patrimoine musical.  Cette conception de la pratique est désormais acquise et reconnue en ethnomusicologie et ce, depuis un certain temps.  Merriam  écrivait en effet en 1964, que :

Music is a uniquely human phenomenon which exists only in terms of social interaction; that is, it is made by people for other people, and it is learned behavior.  It does not and cannot exist by, of, and for itself; there must always be human being doing something to produce it.  (1964; 27)

L’auteur souligne également le fait que la musique est un comportement appris.  Elle implique donc un certain savoir-faire qui est acquis par divers moyens, tels que l’imitation ou l’école plus formelle, par exemples.  Cet apprentissage varie selon les différents contextes et modes de vie, prenant tantôt un sens sacré et rigoureux, tantôt l’allure d’un pur divertissement dans une ambiance décontractée.     Chose certaine, la transmission des musiques de tradition orale s’effectue généralement à l’intérieur d’une pratique musicale et sociale qui regroupe souvent musiciens, danseurs et parfois même observateurs.  La conjoncture actuelle propose cependant de nouvelles approches de ces musiques, entre autres grâce aux enregistrements et aux technologies.  Tel que nous l’avons vu, les musiques sont devenues omniprésentes dans notre quotidien et nous sommes aujourd’hui dans une société où nous avons habituellement le pouvoir de choisir quelle musique entendre, où  et comment.   Les musiques de tradition orale et notre patrimoine culturel vivant deviennent une alternative parmi d’autres.  Il s’agit d’un choix identitaire, d’un style de vie que l’on revendique et d’un goût que l’on a développé.

Puis, nous avons voulu souligner la complexité de la prise en compte et de l’analyse du patrimoine vivant.  Les pratiques culturelles vivantes et traditionnelles se présentent en effet sous différents « états », pour utiliser l’expression de Du Berger (2002), puisque les diverses conditions dans lesquelles elles se sont perpétuées ont parfois, voire souvent, imposé de nouveaux contextes. Dans  la mesure où les organismes que nous avons brièvement étudiés travaillent avec des pratiques qui deviennent objet d’un développement politique et culturel, nous pouvons en déduire que la musique traditionnelle, de même que les autres pratiques auxquelles s’intéressent les structures observées, s’inscrivent dans la dernière phase du cycle de vie des pratiques culturelles traditionnelles, selon la distinction établie par l’ethnologue Jean Du Berger entre les trois états de la culture traditionnelle[40].

Une autre question est apparue d’importance : celle du choix qui préside à la conservation et des acteurs autorisés à poser ce choix. Dans l’étude de la question du patrimoine culturel vivant, il importe en effet de se positionner sur ce qui doit être sauvegardé à l’intérieur de celui-ci et de quelle manière. Le problème principal auquel nous sommes confrontés concerne le statut ontologique de la culture.  Celle-ci est en réalité une abstraction, une construction comme mentionné précédemment, dans le processus de processus de patrimonialisation.  On a vu le danger de la réduire à un objet concret, immuable dans certains cas.  C’est là une erreur fondamentale, car comme le souligne Geertz (1973; 363-64), les systèmes symboliques sont historiquement construits, socialement maintenus et appliqués individuellement.  C’est cette application qui est au cœur du sentiment d’appartenance et d’identité et qui laisse entrevoir les possibilités futures qui s’offre à chaque individu, en fonction de son parcours.  De façon paradoxale, le patrimoine fait encore trop souvent référence à des sociétés mortes ou en voie de disparition, alors qu’il devrait peut-être être perçu en tant que point de départ pour se projeter vers l’avenir.  Ce point de départ est fonction d’une mémoire collective, dont les divergences dans la manière d’établir cette dernière serait souvent dues, selon Bonniol (2004), à l’absence d’un méta-discours communautaire, trait de base des sociétés créoles, mais fort probablement aussi de la société québécoise.  Enfin, le patrimoine est une réalité vivante, conséquente à une culture abstraite, et une revitalisation d’ensemble, incluant le développement des savoirs et savoirs-faire qui y sont associés, est essentielle à sa promotion.   Dans ce sens, beaucoup d’efforts ont été faits afin de reconnaître non seulement les « œuvres » associées au patrimoine, mais surtout les individus qui les génèrent.  Ainsi, Kirshenblatt-Gimblett fait valoir l’évolution dans le concept de patrimoine immatériel à l’UNESCO, qui inclut à présent non seulement les chefs-d’œuvres, mais aussi les artistes.  Les mesures plus récentes cherchent à soutenir les traditions vivantes en péril en favorisant les conditions nécessaires à la reproduction culturelle, soit en accordant davantage de valeur aux porteurs  et aux transmetteurs de traditions  (2004; 54).  Aussi, une réelle reconnaissance  et un soutien sur le plan local vaut, à notre avis, plus qu’une simple inscription sur une liste du patrimoine de l’humanité.  Les politiques de l’UNESCO nous paraissent encore trop axées sur le produit, alors qu’elles pourraient davantage mettre en valeur les pratiques qui ont cours dans les communautés.

En réalité, puisque la culture vivante traditionnelle est associée aux individus et aux communautés, les actions prises dans un but de sauvegarde devraient toucher tout d’abord ceux-ci afin qu’ils aient la possibilité de connaître, d’apprécier, de découvrir divers aspects de ce patrimoine, voire même de s’exprimer à partir de celui-ci.  Bref, nous suggérons de travailler directement auprès de ces gens, de passer par des projets sociaux ou d’autogestion afin que les jeunes, notamment, puissent s’approprier ce patrimoine culturel vivant,  créer des liens avec leur communauté grâce à un désir de connaître et de perpétuer les traditions tout en réfléchissant au rôle de ces pratiques dans leur réalité actuelle.  C’est peut-être dans cette direction que devraient être distribuées une partie des fonds en matière de culture et patrimoine.  Évidemment, ceci ne veut pas dire d’éliminer l’aide aux artistes professionnels, mais l’investissement dans l’éducation citoyenne et artistique assurera la relève artistique ainsi que la formation d’un public sensibilisé et conscient.  De plus, nous pourrions assurer une certaine forme d’éducation alternative qui permettrait un regard critique sur la société et les médias, en passant toujours par la recherche et la réflexion sur le(s) patrimoine(s) musical/aux de son environnement, qui participe à une prise de conscience de son identité et de son rôle dans la société et qui donne des outils pour apprécier et appréhender une plus grande diversité culturelle.  Quelques projets de recherche participante en ethnomusicologie (notamment Araujo, 2005, Impey, 2002 et Elis, 1994), qui incluaient les membres des communautés dans l’investigation sur leur patrimoine musical, démontrent déjà une prise de conscience et un intérêt accru de la part des individus impliqués pour les questions politiques et culturelles.  Cette méthode de recherche pourrait être ramenée à la perspective d’interprétation cognitive (Hamel et Poitras, 1994; 15) qui permet d’aborder les pratiques patrimoniales de manière à ce que les acteurs se constituent à travers les relations sociales et politiques auxquelles ils participent, plutôt que d’opter pour une vision idéologique, propre au modèle culturaliste.  Ainsi, comme le précisent Eyerman et Jamison:

Les acteurs contribuent à leur propre définition d’eux-mêmes par le biais de pratiques cognitives qu’ils se donnent ou qu’ils construisent et par rapport auxquelles la cognition et la conscience sont appelées à jouer un rôle « créatif ». (1991; 3)

Bref, il n’est plus à démontrer que la participation des populations dans les actions de « sauvegarde » est plus que souhaitée, tel que l’affirme Wendland (2004; 102) :  “Il est absolument indispensable d’assurer la participation des peuples et des communautés dont les savoirs et  les expressions culturelles font l’objet de discussion”.  C’est donc au sein des communautés concernées que la transmission doit être assurée, puisque la musique est le produit d’une culture collective.  Comme le dit bien Aubert:

Si ce n’est pas le rôle du politique que de favoriser systématiquement le maintien de pratiques culturelles référentielles parmi les populations migrantes, c’est en revanche sa responsabilité que d’en prendre l’existence en compte et de leur fournir la place qui leur revient dans la vie de la cité, que ce soit en soutenant les initiatives pédagogiques allant dans ce sens ou en accueillant les productions artistiques qui les illustrent. (2004 ; 122)

Ainsi, la transmission des informations et des conseils liés à la valorisation du patrimoine ainsi qu’à la propriété intellectuelle aux porteurs de traditions, spécialiste de terrain, folkloristes, anthropologues, etc. devrait faire partie des priorités dans la démarche de sauvegarde.

Patrimoine et enseignement

De plus, nous sommes d’avis que les patrimoines musicaux et culturels vivants au Québec devraient être intégrés au système d’éducation actuel.  Ceci implique non seulement la présentation de ceux-ci, mais également de repenser le programme d’éducation musicale actuel, formulé trop souvent en termes ethnocentriques et basé sur la culture musicale occidentale, en fonction des nouvelles valeurs intégrées[41].

Toute société qui assume son passé et les éléments liés à sa culture ne craint pas d’intégrer dans l’enseignement de son histoire et de sa culture des éléments liés aux cultures traditionnelles, aux contextes qui les ont fait naître et qui ont provoqué chez elles certains changements.  Selon Kattan (1996; 37), les cultures minoritaires disparaissent si elles ne possèdent pas la vitalité et le dynamisme qui leur permettent d’établir des liens avec les groupes qui les entourent, tout en refusant de se laisser absorber.

Dans ce sens, nous proposons d’adopter une notion de culture conçue en tant que processus social, telle que la décrit Peressini :

La culture désigne alors le simple fait qu’au cours de sa vie, tout acteur social ne cesse jamais d’acquérir, de maintenir, mais d’adapter, de modifier, d’échanger ou d’abandonner certaines de ses connaissances, croyances, traditions, valeurs, règles ou normes de comportement, certains de ses principes éthiques ou religieux, au gré des relations sociales (économiques, politiques ou symboliques) plus ou moins stables et éphémères qu’il établit avec d’autres acteurs sociaux, selon les situations qu’il traverse et les événements qu’il rencontre. (1999;42.)

En d’autres termes, ce sont les expériences individuelles et distinctes de chacun qui renvoient à une diversité de micro-cultures originales.  Nous sommes d’avis avec Peressini (1999; 35) que plutôt que de transformer les objets, ici les individus, en représentants de « cultures » ethno-nationales, nous devrions les considérer en tant que résultats d’une expérience concrète, ce qui évite les pièges associés à l’ethnicisation.  Trop souvent, les spectacles folkloriques, par exemple, vont présenter ce qui constitue le contenu de l’étiquette identitaire, ce qui est censé expliquer les façons de faire, de dire et de penser des membres du groupe, mais également ce qui commande les actions, paroles et pensées de ceux-ci en tant que membres du groupe.   Ainsi, faut-il éviter de tomber leurre de la représentation et de l’idéalisation, mais plutôt viser une société interculturelle qui privilégie les échanges, les contacts, les fusions, les métissages, puisque les référents identitaires changent souvent.  Aussi, comme l’affirme Roland Barthes, nous nous définissons parce ce que l’autre fait et l’identité se crée par rapport à l’altérité.  Les marqueurs identitaires ne se situent donc pas uniquement dans l’histoire, mais aussi grâce à des filières identitaires que l’on crée à partir de symboles qu’on s’est donnés.  En effet, il devient parfois de plus en plus difficile d’octroyer une « nationalité » à certains produits culturels.  « La culture en soi défie toute attribution nationale précise » commentent Grant et Wood (2004; 189).  Ces auteurs précisent que, au niveau échanges économiques internationaux en matière de culture, même le GATT ne définit nulle part ce qu’est, ou serait, « l’origine nationale » (idem).   La situation actuelle nous oblige à traiter, peu importe l’échelle, avec des « identités composées » (idem; 191).

Le patrimoine : un projet social

La protection et la sauvegarde du patrimoine sont généralement abordées en tant que projet de société.  Est-ce simplement parce que celles-ci sont habituellement financées par les gouvernement?  Nous devons également nous poser la question à savoir de quelle société il s’agit.  La patrimonialisation demeure souvent un processus par lequel un groupe s’intéresse à l’objet patrimonialisé, tandis que le reste de la société ne se sent pas concernée.  Nous devons en outre considérer que le patrimoine agit sur la vie quotidienne, sur la manière de penser le beau et le laid, l’inclusion et l’exclusion, le passé et le futur, etc.  Pour ces raisons, la gestion du patrimoine culturel vivant n’est pas simple.

Par ailleurs, le contexte de mondialisation et de globalisation soulève de nouvelles problématiques en lien avec le patrimoine musical.  Nous avons déjà abordé la question de la propriété intellectuelle des expressions culturelles.  Les catégorisations au niveau des styles musicaux, de même que les contextes dans lesquels les musiques étaient créées et exécutées s’en trouvent altérés par l’utilisation des nouvelles technologies et des médias ainsi que les métissages, les flux migratoires et l’adoption de nouveaux modes de vie.

Les frontières entre les musiques dites traditionnelles et populaires s’atténuent.  Pour Erlmann, « la relation entre arts populaires et traditionnels est difficile à définir, et quelques auteurs ont même suggéré que la distinction n’en vaut pas la peine.  Toutefois, ce qui semble caractériser les arts populaires en contradiction avec les arts traditionnels est leur plus grande liberté dans la manipulation des conventions esthétiques » (1991; 123).  Nous n’allons pas exactement dans ce sens, puisque, bien que les musiques traditionnels soient appelées à suivre une certaine voie et à maintenir des aspects spécifiques pour conserver leur appellation, elles ne doivent pas être figées dans le temps et l’espace et elles continuent d’évoluer.  Toutefois, on a tendance à confondre populaire et commercial.  Est commerciale une musique qui passe par les médias et les industries culturelles pour se faire connaître. Elle est « transformée pour s’adapter aux critères exigés pour une mise en marché qui vise un grand nombre de vente de disques ou de billets de spectacles » (Laurent, 2005; 9-10). Une musique populaire, au sens où nous l’entendons ici et non en référence à la musique pop de masse, ni à la musique de variété, est pratiquée par des musiciens professionnels ou amateurs, souvent dans des buts de divertissement et elle touche l’ensemble d’une population donnée.  En ce sens, elle se rapproche des musiques traditionnelles, qui peuvent donc être populaires, particulièrement dans leur contexte original.   Alors que nous avons parfois tendance à sous-estimer et à banaliser le rôle de divertissement des musiques traditionnelles, à côté des musiques liées à des fonctions spécifiques et ayant un sens explicite pour une communauté, Grant et Wood nous rappelle que l’agrément peut parfois aller au-delà du pur plaisir:

Le « divertissement » n’est que le visage populaire de la culture, l’isotope rayonnant de quelque chose de plus fondamental.  Son attrait repose uniquement sur son pouvoir symbolique.  Il fournit la gamme des valeurs émotionnelles, sociales, spirituelles et politiques dans lesquelles chacun de nous situe sa propre réalité.  Bref, le divertissement est une question de valeurs. » (2004 ; 533)

Aussi, notre musique traditionnelle québécoise, bien qu’elle soit associée aux festivités et au divertissement, est rattachée à tout un système de valeurs, telles que la fraternité, la joie de vivre et la convivialité. Ainsi, les créateurs et intermédiaires culturels jouent un rôle important en ce qui concerne l’adaptation des cultures au changement, puisqu’ils créent un espace de confrontation critique entre des valeurs nationales et des valeurs étrangères, ainsi qu’entre des valeurs et comportements du passé et des perspectives d’avenir.

Ce rapprochement entre les musiques traditionnelles, populaires, commerciales, urbaines, régionales, etc. a également pour conséquence de compliquer les critères qui accordent le statut de musicien professionnel.  Dans le domaine des musiques de tradition orale, les diplômes sont rares.  Aussi, très peu de musiciens réussissent à faire de la musique leur principal gagne-pain, principale condition qui fait d’un artiste un artiste professionnel aux yeux des Conseils des Arts.  De nos jours, avec les moyens technologiques disponibles, il devient de plus en plus facile de produire son propre CD.  Aussi,  la grande popularité des musiques du monde pousse de plus en plus de musiciens traditionnels à se produire sur scène, à enregistrer ainsi qu’à connaître le succès.  Le répertoire et les arrangements s’ajustent parfois, mais à d’autres occasions ils sont exécutés de façon intacte. Ce phénomène a des répercussion dans ce qu’on appelé Grant et Wood (2004; 7) la confrontation entre la culture et le commercial, qui apparaît en tant que débat majeur de notre époque.  « Au Québec, l’enjeu de ce débat, c’est l’existence même d’une culture spécifique, l’assurance que cette culture [nous] demeurera accessible sans que [nous perdions] pour autant l’accès aux cultures des autres pays du monde » (idem).  Toutefois, la mise en scène de musiques traditionnelles, propice notamment au culte de l’individu, est en lien avec l’accroissement du rôle de l’interprète et du développement du professionnalisme, ce qui a souvent pour effet une diminution de la pratique musicale en commun et la disparition des compétences musicales que l’on retrouvait autrefois dans chaque communauté (Macchiarella, 2004; 1309).

Une autre raison qui pousse parfois à mettre des musiques en scène est l’attrait de l’industrie touristique.  Les études concernant la mise en tourisme de traditions musicales et artistiques ne manquent pas.  Bien que plusieurs dénoncent les modifications nécessaires à cette adaptation, d’autres ont démontré que le tourisme permettait parfois de garder certaines traditions vivantes qui se seraient autrement perdues (Desroches et Fernando, 2006  et projet CRSH 2006-2009).  Chose certaine, il importe de tenir compte des significations afin de ne pas perdre complètement le sens qui leur est attribué et banaliser ces musiques.  Pour Robert Bouthillier, viser le tourisme pour valoriser notre patrimoine serait une grande erreur :

Viser le tourisme, faire les choses pour les autres?  C’est quasiment se prostituer.  On a malheureusement tendance à sur-valoriser les choses à des fins touristiques.  La musique québécoise ne parle pas aux touristes, ils ne la comprennent pas.  Viser le tourisme, c’est la mort de la culture.  Il faut faire vivre la culture dans son propre milieu et, ensuite, les touristes vont venir la voir, parce qu,elle ne sera pas faite pour se vendre, elle va vivre, point.

Une approche axée sur l’action sociale et le travail à l’aide de la population apparaît, à notre avis, le meilleur moyen de préserver, sauvegarder et de conserver un patrimoine culturel vivant qui ne sera pas une vitrine.

Dans ce sens, trois représentants d’organismes oeuvrant dans le secteur du patrimoine culturel vivant que nous avons rencontré nous ont fait part de projets de création de centres de patrimoines culturels vivants [42] afin de susciter l’intérêt de la population et de fournir un lieu pour la pratique, les discussions, le rassemblement et la diffusion.

Enfin, il ressort de cette étude que le patrimoine culturel vivant demeure sous-financé.  Selon Robert Bouthillier, les budgets investis dans les musées d’histoires et d’ethnologie ont atteint 55 000 000$ en 2004, tandis que les investissements en patrimoine vivant ont touché à peine les 300 000$.  Le patrimoine culturel vivant se retrouve à la charnière de l’action culturelle en milieu local et la branche artistique.  Tandis que la première se retrouve principalement dans les budgets du patrimoine ou encore des loisirs, les festivals ainsi que les pratiques liées au revivalismes, initiatives de musiciens ou artistes professionnels, sont supportées par les Conseils des Arts aux niveaux provincial et fédéral.  Dans ce dernier cas, reste à voir si les critères d’évaluation sont appropriés à ces pratiques qui s’effectuent dans un tout autre esprit que les autres types de musique.  La dimension liée à l’action socio-culturelle et à l’ethnologie ne se retrouve en réalité nulle part.

Les questions liées à la sauvegarde du patrimoine culturel vivant sont vastes et il importe d’y songer dès maintenant.  Il s’agit d’un sujet d’actualité sur le plan international, mais nous devons nous positionner sur le plan local et voir à ce que nos musiques traditionnelles occupent la place à laquelle elles ont droit et ceci passe notamment par un projet de valorisation et d’information.

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UNESCO, 2003, Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel », Paris, le 17 octobre 2003, 13 pages.

WENDLAND, Wend, 2004, “Le patrimoine immatériel et la propriété intellectuelle: défis et perspectives d’avenir”, Museum International, no 221-222 (Vol. 56, no1-2), pp. 99 à 109).


[1] La Proclamation des chefs-d’œuvre  retient deux types de manifestation du patrimoine culturel immatériel : des  formes d’expression culturelle populaires et traditionnelles et des espaces culturels. Voir sur le site web de l’UNESCO : http://portal.unesco.org/culture/fr/ev.php-URL_ID=21427&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html#def (dernière consultation le 15 août 2006)

[2] Bien que n’ayant pas été produit par une « ethnomusicologue », un mémoire portant sur le patrimoine vivant au Québec, qui inclut les pratiques musicales, a été présenté par Louise de Grosbois en juin 2004, à l’UQÀM, dans le cadre d’une maîtrise en communication.  Aussi,  la plupart des travaux ayant été présentés dans ce sens proviennent du secteur de l’ethnologie, à l’Université Laval (voir notamment Ornstein, 1986).  L’ethnomusicologue Carmelle Bégin travaille également sur le patrimoine musical québécois (« canadien français »), tandis que Gérald Côté (2005) a présenté les réflexions d’un ethnomusicologue enseignant en musique chez les Cris de la Baie James.

[4] Voir le site web du MCC du Québec :  http://www.mcc.gouv.qc.ca/pamu/champs/ethno/ethnos4.htm

[6] OMPI – Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, ou WIPO – World Intellectual Property Organization

[7] Voir les dispostions types Unesco-OMPI de 1982 sur le site web de l’Unesco à l’adresse suivante :  http://www.unesco.org/culture/copyright/folklore/html_fr/hanoi.shtml#Dispositions

[9] Ces motifs sont inspirés des Dispositions types de l’Unesco/OMPI de 1982.

[10] “intangible culture produces tangible cultural objects which require intangible culture”

[11] Les expressions « patrimoines vivants » en opposition à « patrimoines révolus » ont été proposées par la délégation du Portugal, appuyée par celle de la France, lors de la Conférence générale de l’UNESCO, Vingt-cinquième session.   Conférence générale de l’UNESCO, Vingt-cinquième session , Paris, 1989, Annexe 1, Projet de recommandation aux États membres sur la sauvegarde du folklore, p.1-2.

[12] Le MCC définit l’artefact comme un « objet fabriqué ou transformé par la main humaine, [qui] représente une réponse tangible à un besoin humain.  Il se caractérise par ses matériaux, sa fabrication, son origine, sa fonction et sa valeur. »

[13] Le MCC définit le mentefact comme « l’ensemble des productions spirituelles ou intangibles qui constitue le volet immatériel du patrimoine ethnologique. »

[15] Idem.

[16] Proposition de politique de développement culturel pour  la Ville de Montréal , article 2.3.1, page 26, disponible sur internet sur le site :  http://www2.ville.montreal.qc.ca/maisons/SiteTemporaire/PolDevCult.pdf

[17] Dans UNESCO, Le Courrier, ce terme revient dans plusieurs articles où il est question du folklore et de son aspect vivant.

[18] «  Without people thinking, acting, and creating, music sound cannot exist »

[19] « Within the logic of patrimony, the state and state ownership are significant, rather than the popular subject. »

[20] Terme employé par Elbaz, Fortin et Laforest (1996), l’ethno-nationalisme se veut un courant lié aux choix d’une nation basée sur une représentation de la collectivité québécoise qui permet difficilement la confrontation, la diversité et la pluralité culturelle.  On peut aussi entendre par «  ethno-nationalistes » le caractère des communautés qui se pensent elles-mêmes en tant que nationas et qui sont désireuses d’accéder à une autonomie accrue par rapport à leur État de rattachement.

[21] Voir le site web du Ministère de la Culture et des Communications du Québec : http://www.mcc.gouv.qc.ca/pamu/champs/ethno/ethnos4.htm (dernière consultation en décembre 2005)

[22] Voir le site web de Patrimoine canadien :  http://www.pch.gc.ca/progs/pa-app/progs/ila-ali/index_f.cfm (dernière consultation le 10 août 2006).

[23] Dans ce cas, les musiciens paraissent assez souvent s’adonner à plus d’un style musical pour survivre ou, du moins, doivent occuper simultanément différents espaces, tels que la scène, le disque, la radio, les bars, etc.  Ce processus d’occupation simultanée d’expressions culturelles dans des espaces différents a été  présenté en tant que « limite entre culturas » par Maria Ignez Ayala (1988).

[24] On s’entend pour parler de musiques traditionnelles au pluriel, puisque celles-ci comprennent autant des chansons que des musiques instrumentales ou des musiques à danser.

[25] Extrait d’un entretien réalisé le 17 juillet 2006.

[26] Voir le site web du Conseil québécois du patrimoine vivant :  http://www.cqpv.qc.ca/pv.htm

[27] Voir le site web du Conseil québécois du patrimoine vivant :  http://www.cqpv.qc.ca/pv.htm

[28] Idem.

[29] Les idées de Robert Bouthillier ici présentes proviennent d’une entrevue réalisée avec lui le 17 juillet 2006.

[30] Voir le site web du Centre de valorisation du  patrimoine vivant :  http://pages.infinit.net/cvpv/

[31] Tel qu’indiqué sur le site web de  l’AQLF : http://www.quebecfolklore.qc.ca/ .

[32] Voir le site du Réseau MemoArt :   http://www.memoart.qc.ca/

[33] Société québécoise d’ethnologie, Politique du patrimoine culturel.  Mémoire présenté au groupe-conseil sous la présidence de Monsieur Roland Arpin, Québec, octobre 1999.

[34] Idem.

[35] Voir le site web de l’ACEF :  http://www.fl.ulaval.ca/celat/acef/

[36] Extrait du Mémoire du Conseil québécois du patrimoine vivant au groupe-conseil chargé d’élaborer un projet de politique de patrimoine culturel, 1999, p.6.

[37] Extrait de la Proposition pour une politique du patrimoine culturel présentée par le Groupe-Conseil sous la présidence de Monsieur Roland Arpin (novembre 2000)

[38] La politique culturelle du Québec. Notre culture, notre avenir.  Juin 1992.

[39] Lors d’une conversation avec monsieur Robert Bouthillier, d.g. du Conseil Québécois du Patrimoine vivant, celui-ci m’a laissé entendre que le budget du MCC consacré au patrimoine vivant tournait aux alentours de 300 000$ par an.  Cette somme sert, entre autres, à rémunérer les acteurs oeuvrant dans le secteur  et à l’organisation d’événements.

[40] Jean Du Berger (2002; 11-12) distingue trois états de la culture traditionnelle, d’un point de vue ethnologique.  Le premier est celui dans lequel les pratiques culturelles dans leur état « naturel », avant qu’un regard distancié vienne les « découvrir ».  La seconde est associée aux changements de contextes et à la perte de « l’efficacité symbolique-pragmatique » des pratiques culturelles au profit d’une « efficacité symbolique et esthétique ».  La démarche ethnologique entre ici en jeu.  Le troisième et dernier état se manfeste lorsque les pratiques deviennent au cœur d’un projet de développement culturel et politique et que sont créés des organismes pour les conserver et les préserver.

[41] À ce sujet, voir notamment la réflexion de Gérald Côté (2005) sur l’enseignement de la musique chez les Cris du Nord du Québec.

[42] Le projet apparaît sous le nom de « Centres de patrimoines d’expression » pour la SPEQ, de « Centre de traditions vivantes » pour la SPDTQ et de « Maisons du  patrimoine vivant » pour le CQPV.

 

 

© Marie-Christine Parent, 2006

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